L’année 2011 au cinéma fut riche. Oubliez les navets sortis par Dr Jekyll et Mr Bay. Oubliez le dernier Clavier réalisé pour essayer de faire remonter les cendres des Bronzés font du ski. Oubliez “Happy New Year” qui ne fête aucunement la nouvelle année mais bien la bêtise et l’alliance de l’inutile au désagréable. Qu’est ce qui était à voir de janvier à décembre ? Voici, non pas un top, mais quelques films qu’on a voulu retenir. À vous de nous dire ensuite quels étaient les vôtres !
Un “Driver”, un homme soumis, une schizophrène du ballet
Il était une fois un homme qui ne pensait qu’au sexe. Un obsédé des plans culs, de la masturbation et des sites porno. Son appartement, qui avait autant de sens que son travail, était en phase avec une vie vide. C’est l’histoire de Brandon, un être humain perdu dans l’immense jungle qu’est New York, soumis à ses pulsions comme on est soumis au sommeil. Pour son deuxième film, le plasticien Steve McQueen réussit a nous plonger dans la sombre vie d’un avide du sexe, en phase en surface avec la société dans laquelle il est intégré, mais vite décalé lorsque l’intime remonte. Et sa sœur, qui débarque dans sa vie, va alors le voir tel quel. Bouleversé, ses repères balayés, Brandon ne gère plus rien. Tout ce qu’il croyait caché, cette animalité qu’il croyait avoir enfoui dans un sac poubelle. Essayant de s’enfuir dans Big Apple, Brandon ne peut rien y faire. La honte a toujours un coup d’avance sur lui.
De l’autre côté des États-Unis, Hollywood. “The Driver” cascadeur à ses heures, porte comme à son habitude son coat cerné d’un scorpion dans le dos. A l’image de l’animal, “The Driver” pique. En voiture, avec sa nouvelle conquête puis avec ses ennemis. Pour sa cinquième réalisation, Nicolas Winding Refn frappe un grand coup dans le milieu du cinéma. Inscrivant les lettres du cinéma d’auteur sur son bras gauche, il distille sur son bras droit les références les plus pop qui existent en 2011. Soit une bande-son mêlant du Kavinsky et du College, des images plus stylisés-tu-meurs, et des références appuyées au jeu “Need For Speed Hot Pursuit”. Le tout, avec une maîtrise dont Ryan Gosling est l’étendard. Grâce à son personnage de taiseux, l’acteur américain, il y a quelques années aux côtés de Justin Timberlake au Mickey Mouse Club, explose et ringardise les acteurs “Made in Hollywood”. Quand le cinéma d’auteur européen rencontre la ciné pop corn d’Hollywood, c’est l’américain Gosling et le danois Winding Refn qui s’y collent.
College – A Real Hero (feat Electric Youth)
Mais au tout début de 2011, c’est “Black Swan” qui fut le premier essai d’une année sous le signe des rôles bouleversés. Danseuse d’Opéra sous la dure rigueur des ballets, Nina voit enfin son rêve se réaliser : elle aura l’honneur d’incarner le personnage principal du Lac des cygnes : le cygne lui-même. Tour à tour innocente et violente, Natalie Portman incarne à la perfection un être schizophrène, tiraillée entre son enfance (et sa chambre remplie de peluches) et son envie de murir pour attraper son rêve, et trouve enfin le rôle qui lui permet d’accéder à l’Oscar de la meilleure actrice. Darren Aronofsky, alors que le scénario pouvait tomber dans le grandiloquence et l’absurde tant le film préfère les sensations aux émotions, donne à l’histoire une force et une tension tout au long des 1h43 du film.
L’ennui et la mort
Pour continuer dans le renvoi de balles entre New-York et Los Angeles, finissons en avec Hollywood et le beau et fameux château Marmont. Antre des légendes de Helmut Newton à Montgomery Clift en passant par James Dean, Sofia Coppola y fait jouer son scénario. Peut-être une partie de sa vie. Avec deux rôles, une Ferrari rouge et un “Love Like a Sunset” vrombissant, la fille de Francis Ford C. sait où elle avance. À la manière d’un Bret Easton Ellis donnant enfin une véritable suite à l’ambiance de fin du monde de son Moins que Zéro, surpassant allègrement Suite(s) Impériale(s), “Somewhere” donne une seconde chance à la vie de Clay, 26 ans après son adolescence chtarbée de L.A. Ici, il continue sa vie monotone et morne dans la peau d’un acteur faisant des tours de route de manière incessante, culbutant tout ce qui passe. Mais sa fille revient dans sa vie, du haut de ses onze ans. Sofia Coppola, comme Steve McQueen dans “Shame”, use d’un élément-personnage perturbateur. Pour que tout devienne compréhensible. Pour que la morne vie d’un acteur qui s’ennuie devienne excitante. Et surtout, pour qu’elle prenne sens.
The Strokes – I’ll Try Anything Once You Only Live Once
Le film débute sur des séquences au ralenti peignant un temps long et oppressant qui symbolise la fin du monde. Celle-ci surgit des filtres d’une lumière crépusculaire et des vibrations enivrantes du prélude de Tristan et Yseult de Wagner. Qu’est-ce que Melancholia ? C’est à la fois la planète rouge qui heurtera la planète Terre dans un futur proche mais aussi le sentiment grisant qui gagne les personnages au fur et à mesure qu’approche la planète destructrice. Melancholia est un pari pascalien que les personnages ont sciemment avorté après avoir appris que les dieux n’étaient pas au monde. Le constat n’est guère original : l’expérience de la mortalité nourrit nos angoisses et chérit nombre des réflexions philosophiques que l’on cherche sans cesse à sublimer par d’inconsistantes chimères : Dieu est-il mort (Nietzsche)? A t-il seulement existé (Camus)? Mourir est-ce finalement si différent de n’avoir jamais vécu (Cioran) ? Lars Von Trier signe tout simplement à travers Melancholia, son plus grand chef-d’œuvre.
Bonjour la violence
En Australie, et plus particulièrement sous le soleil crasseux de Melbourne, David Michôd suit la descente aux enfers d’une famille en apparence civilisée. Josh, qui vient de perdre sa mère, plonge dans une maison qu’il ne connait pas. Le milieu, criminalisé jusqu’à la moelle, est incarné par ses frères et cousins ainsi que sa grand-mère marâtre. Comme poussé dans une fosse aux lions, Josh tombe dans une jungle où la violence est reine et où le cœur n’a aucune foutre idée de ce que peut bien être la raison. David Michôd, en dévoilant dès les premières minutes un tableau affublé de plusieurs lions, nous entraîne dans une cage pourtant vue et revue, celle de la violence. Aidé par la musique de l’excellent compositeur Anthony Partos, le cinéaste australien réalise son pari. Il nous scotche et nous emprisonne dans “Animal Kingdom”, un film de genre à la fois hypnotique et sombre.
Côté violence encore, 2011 ne fut pas en reste. Qu’elle soit politique, avec “Les Marches du Pouvoir”, ou trash pour “J’ai rencontré le diable”, elle était aux premièresvloges. Pour le premier, réalisé par George Clooney et principalement acté par Ryan Gosling, le scénario s’inspirait d’une primaire démocrate jouée en 2004 pour s’appesantir lors de la dernière étape dans l’État de l’union, l’Ohio. Alors que la campagne doit être le moment, en apparence, du beau jeu, derrière les rideaux se trament trahisons et stratégies politiques à n’en plus finir. “Les marches du pouvoir” se révèle être crade, rempli d’égos, de cynisme, de mensonge et de trahison. Des citoyens les plus ordinaires jusqu’au sommet de l’État, les marches deviennent deviennent de plus en sales, les toiles d’araignées s’accumulent et on y croise des anciens conseillers en politiques sombrant dans les méandres de leur idéaux. On y suit Stephen, jeune consultant roulant pour le sénateur Morris. On y suit la lente mort de sa perception idéalisée de la politique. Jusqu’à ce qu’il passe de l’autre côté du miroir.
Bonsoir Steven, bonjour les jeunes et la nostalgie
Divertissement. Ce qu’il ne fallait pas dire. Film de divertissement. Parce que oui, “Super 8″ est un film de divertissement, ce qui ne l’empêche pas d’être ambitieux (et bon par la même occasion). C’est parce qu’il arrive si bien à mêler l’ancien au nouveau que Super 8 est une telle réussite. Parler du présent en montrant le passé, peu sont ceux qui le font aussi bien. Alors, quand cette réussite est doublée d’un excellent film de divertissement à l’esthétique soignée, qui arrive à mêler action (la scène de déraillement du train est une des scènes de cinéma les plus saisissantes qu’il m’ait été donné de voir), comédie pure, romance, et initiation, on en ressort avec un sourire qui est loin d’être nostalgique, mais qui se demande plutôt ce que le maître JJ nous réserve pour l’avenir.
“Submarine” est la petite perle sortie de nulle part de 2011. Production modeste réalisée par Richard Ayoad, le film conte l’histoire d’Oliver Tate, un adolescent britannique aussi attachant qu’irritant, qui mène sa vie comme il le peut; entre des parents on ne peut plus “particuliers”, la jungle qu’est son école et son obsession à vouloir coucher avec une fille au plus vite. Vu comme ça, “Submarine” n’est qu’un énième film abrutissant traitant de l’adolescence et de ses aléas. Seulement Richard Ayoade a réussi à détourner ce cliché pour faire de “Submarine” une comédie intelligente où Oliver, grand mégalomane au premier abord, laissera peu à peu apparaître un manque terrifiant de confiance en lui qui le mènera à bien des gaffes. Pour enfoncer le clou, la BO du film a été signée par Alex Turner, le chanteur des Arctic Monkeys, qui nous offre là une multitude de ballades des plus planantes.
Alex Turner – Stuck On The Puzzle :
La France aux anges
La salle de cinéma a les yeux rivés vers un homme d’une imposante stature. Sourire charmeur, cheveux laqués renversés en arrière et fine moustache sur costume trois pièces, Georges Valentin (Jean Dujardin) est une célébrité dans le monde du cinéma muet. Et c’est dans cette position que se retrouve le réalisateur de “The Artist”, Michel Hazanavicius. Alors que l’industrie cinématographique s’est tournée avec fracas vers les revenus alléchants de la 3D, le réalisateur français des deux “OSS 117″ a décidé de revenir à la genèse du cinéma. Le film aurait paru paresseux sil s’était limité à une retranscription zélée des productions dont il s’inspire. Il n’en est rien, Michel Hazanavicius offrant même au spectateur des scènes d’anthologies, entre performance de claquettes et bêtisier du cinéma. Une chose est sûre lorsque l’on sort de la projection : le seul vecteur des images suffit à émouvoir.
Avec “The Artist”, la France n’était pas en reste côté bon film. Loin des “Rien à déclarer” et autres films déprimants avec Benoit Poelvoorde, “Polisse”, “L’Ordre et la Morale” ou encore “Intouchables” ont fait les beaux jours autant de la critique que des spectateurs, réussissant à vendre plus de 210 millions de tickets en France sur toute l’année 2011. Un record depuis 1966.
Le top 5 de la rédaction
Jordan :
- Melancholia
- A Dangerous Method
- Shame
- The Artist
- La piel que habito
Ken :
- Submarine
- Drive
- Black Swan
- Another Earth
- The Tree of Life
Laura :
- Somewhere
- Le gamin au vélo
- La piel que habito
- La guerre est déclarée
- Polisse
Louis :
- Drive
- Animal Kingdom
- Black Swan
- Shame
- J’ai rencontré le diable
Olivier :
- Drive
- The Tree of Life
- J’ai rencontré le Diable
- Restless
- Le Discours d’un roi
Sinh :
- Super 8
- Black Swan
- Drive
- The Artist
- Carnage
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