Eolien : permis de construire et autorisation d'occupation du domaine public

Publié le 29 décembre 2011 par Arnaudgossement

La Cour administrative d'appel de Douai, par arrêt du 23 décembre 2011, a annulé le permis de construire six éoliennes et un poste de livraison, au motif, notamment que le pétitionnaire ne justifiait pas d'une autorisation d'occupation du domaine public pour l'enfouissement des cables reliant le poste de livraison aux postes source. Analyse.


Avant toute chose, il convient de souligner que cet arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai a été rendu au visa de l'article R.421-1-1 du code de l'urbanisme, alors applicable au moment du dépôt de la demande de permis de construire qui a fait l'objet d'un recours en annulation.

Cet articleR.421-1-1 a depuis lors été abrogé. Son contenu était le suivant : 

"La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique.
La demande précise l'identité du demandeur, l'identité et la qualité de l'auteur du projet, la situation et la superficie du terrain, l'identité de son propriétaire au cas où celui-ci n'est pas l'auteur de la demande, la nature des travaux et la destination des constructions et la densité de construction.
Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d'occupation du domaine public, l'autorisation est jointe à la demande de permis de construire".

Cet article R.421-1-1 du code de l'urbanisme a été abrogé par le décret n°2007-18 du 5 janvier 2007 pris pour l'application de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme.

Désormais, l'article R.421-13 du code de l'urbanisme dispose :

"Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public."

Il existe une différence sensible entre la procédure de l'ancien article R.421-1-1 et le nouvel article 431-13 du code de l'urbanisme. 

L'ancien article R.421-1-1 exigeait du demandeur d'un permis de construire qu'il produise à l'appui de sa demande une autorisation d'occupation du domaine public, lorsque celle-ci s'avèrait nécessaire. La doctrine avait pu regretter cette atteinte au principe d'indépendance des législations constituée par ce contrôle de la régularité d'une autorisation d'occupation du domaine public dans le cadre d'un contrôle de la régularité du permis de construire.

Désormais, aux termes de l'article R.431-13 précité, le demandeur d'un permis de construire doit "seulement" produire "une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public". En d'autres termes, le demandeur d'un permis de construire doit désormais démontrer l'engagement et non l'aboutissement de la procédure d'occupation du domaine public.

Ces observations liminaires sont importantes pour l'interprétation de la portée de l'arrêt rendu ce 23 décembre 2011, par la Cour administrative d'appel de Douai.

La Cour a en effet annulé le permis qui lui était déféré au motif suivant :

"qu'il ressort des pièces du dossier que l'enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison aux postes sources nécessite une occupation des ouvrages du réseau public de distribution d'électricité implantés sur le domaine public ; que le pétitionnaire du permis litigieux ne justifie pas de la délivrance, par la commune ou par le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, d'une autorisation d'occupation du domaine public à cette fin ; que dans ces conditions, la société F. ne peut être regardée comme disposant d'un titre l'habilitant à construire"

En premier lieu, on notera que le permis de construire est annulé, son titulaire n'ayant pas rapporté la preuve de la délivrance préalable d'une autorisation d'occupation du domaine public. Aux termes du nouvel article R.431-13 du code de l'urbanisme, le titulaire aurait dû rapporter la preuve de l'obtention d'une "pièce" - le formalisme est donc réduit - justifiant de l'engagement de laprocédure d'occupation du domaine public.

En second lieu -et c'est sur ce point que l'arrêt est le plus intéressant : où commence et où s'achève l'obligation de démontrer hier l'aboutissement aujourd'hui l'engagement de la procédure d'occupation du domaine public ?

La Cour administrative d'appel de Douai juge, sous l'empire des dispositions de l'ancien article R.421-1-1, que le pétitionnaire devait solliciter une autorisation d'occupation du domaine public pour l'enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison aux postes sources, dés lors que cet enfouissement supposait une occupation des ouvrages du réseau public de distribution d'électricité implantés sur le domaine public.

Par voie de conséquence, la Cour administrative d'appel juge que le demandeur du permis de construire entrepris devait solliciter une telle autorisation de la part de la Commune ou du gestionnaire du "réseau de transport d'électricité".

En clair, au regard de cette jurisprudence, l'examen de la maîtrise foncière pour une demande de permis de construire ne peut se limiter au périmètre des aérogénérateurs eux-mêmes mais doit être étendu au raccordement du parc au réseau public de distribution ou de transport d'électricité.

On ne peut que rappeler l'utilité, pour tout développeur et porteur de projet, de procéder à un audit juridique précis des dossiers de demandes d'autorisation, a fortiori depuis qu'une demande d'autorisation ICPE est nécessaire. Cet audit préalable doit permettre de prévenir ce type de difficultés contentieuses.

Par ailleurs, on soulignera que cet arrêt n'est pas le premier qui permette d'apprécier la portée des dispositions de l'ancien article R.421-1-1 du code de l'urbanisme pour le contentieux éolien. 

Ainsi, le Conseil d'Etat, par arrêt du 6 novembre 2006 (n°281072), avait jugé :

"Considérant, en troisième lieu, que si l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme exige que le dossier soumis par le pétitionnaire soit, le cas échéant, accompagné d'une autorisation d'occupation du domaine public, la cour administrative d'appel n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit, ni de dénaturation des faits, en estimant que la seule circonstance que des éoliennes surplomberaient un sentier de grande randonnée, lequel emprunte des voies publiques ou privées, n'impliquait pas, par elle-même, une autorisation préalable des collectivités publiques traversées par ce sentier ; que la cour, par ailleurs, n'a pas dénaturé les écritures des requérants en écartant comme n'étant pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée le moyen tiré de l'absence de délibération du conseil municipal autorisant le maire de la commune de Saint-Font à permettre le surplomb par une éolienne d'une parcelle appartenant à la commune".

Les circonstances de fait à l'origine de cet arrêt du Conseil d'Etat sont sensiblement différentes de celles dont procède l'arrêt rendu le 23 décembre 2011 par la Cour administrative d'appel de Douai.

En toute hypothèse, en l'état actuel de la jurisprudence et sous réserve d'une confirmation par le Conseil d'Etat, les porteurs de projet doivent être particulièrement attentifs à cette question de l'occupation du domaine public, tant pour le parc lui-même que pour ses accessoires, dont les ouvrages de raccordement.

Signalons que cet arrêt présente un autre intérêt, même s'il ne s'agit aucunement d'une nouveauté , à savoir le rappel de la règle selon laquelle toutes les autorités administratives compétentes doivent être saisies pour avis du dossier de demande de permis de construire

"Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, d'une part, un permis de construire n'est délivré suivant une procédure régulière que si les différents services ou autorités compétents ont été mis à même de se prononcer sur le projet et que, d'autre part, le préfet doit recueillir l'avis du maire avant de se prononcer sur une demande d'autorisation de construire portant sur l'implantation d'éoliennes dont la production n'est pas destinée principalement à une utilisation directe par le demandeur de l'autorisation ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'avis du maire de T. aurait été recueilli par le préfet de l'Eure"

 Ajoutons que ces autorités doivent être saisies du dossier complet ce qui représente parfois une dificulté pour le pétitionnaire qui ne peut pas "contrôler" la bonne diffusion de son dossier au sein de l'administration.

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Cour administrative d'appel de Douai
N° 10DA00973  
Inédit au recueil Lebon
1re chambre - formation à 3
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lecture du vendredi 23 décembre 2011
(...)

Sur la légalité du permis de construire :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme en vigueur à la date de demande du permis de construire litigieux : Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d'occupation du domaine public, l'autorisation est jointe à la demande de permis de construire. ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison aux postes sources nécessite une occupation des ouvrages du réseau public de distribution d'électricité implantés sur le domaine public ; que le pétitionnaire du permis litigieux ne justifie pas de la délivrance, par la commune ou par le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, d'une autorisation d'occupation du domaine public à cette fin ; que dans ces conditions, la société F. ne peut être regardée comme disposant d'un titre l'habilitant à construire ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 421-15 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle le permis de construire litigieux a été sollicité : Le service chargé de l'instruction de la demande procède, au nom de l'autorité compétente pour statuer, à cette instruction et recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur (...) ; qu'aux termes de l'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à l'espèce : Dans les communes où un plan local d'urbanisme a été approuvé, le permis de construire est délivré par le maire au nom de la commune. (...) / Sont toutefois délivrés ou établis, au nom de l'Etat, par le maire ou le représentant de l'Etat dans le département après avis du maire ou du président de l'établissement public compétent, les autorisations ou actes relatifs à l'utilisation et à l'occupation du sol concernant : (...) b) Les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie, (...) ; un décret en Conseil d'Etat détermine la nature et l'importance de ces ouvrages ; ; qu'aux termes de l'article R. 490-3 du même code dans sa rédaction applicable : Les décisions relatives aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol et le certificat de conformité concernant l'édification d'ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie ainsi que les travaux effectués sur ces ouvrages sont prises, sous réserve des dispositions de l'article R. 490-4 : 1° Par le préfet, au nom de l'Etat, lorsque cette énergie n'est pas destinée, principalement, à une utilisation directe par le demandeur de l'autorisation ou de l'acte sollicité ; (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, d'une part, un permis de construire n'est délivré suivant une procédure régulière que si les différents services ou autorités compétents ont été mis à même de se prononcer sur le projet et que, d'autre part, le préfet doit recueillir l'avis du maire avant de se prononcer sur une demande d'autorisation de construire portant sur l'implantation d'éoliennes dont la production n'est pas destinée principalement à une utilisation directe par le demandeur de l'autorisation ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'avis du maire de T. aurait été recueilli par le préfet de l'Eure ;
Considérant que pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés devant la Cour n'est, en l'état de l'instruction, fondé et de nature à entraîner l'annulation des permis de construire contestés ;
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DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 30 juin 2010 du Tribunal administratif de Rouen et l'arrêté du 28 mars 2008 du préfet de l'Eure autorisant la société Ferme Eolienne de Tourny à édifier six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tourny sont annulés.

(...)