L’autre jour, un ami m’a dit : “En Algérie, quand quelqu’un pète un câble, il n’est pas fou, il est juste déclenché. C’est comme ça qu’on dit là-bas : déclenché.” Comme si la vie avait appuyé sur l’interrupteur. Si quelqu’un comme Macaigne a fait sauter le disjoncteur depuis longtemps, d’autres hésitent encore à installer l’électricité. Pourtant, il y aurait de quoi.
Les Possédés ont joué au Théâtre de la Bastille une adaptation du roman américain Bullet Park de John Cheever. Deux couples se rencontrent dans une banlieue américaine : le premier bat de l’aile, le second s’inquiète pour son fils dépressif. Robes proprettes, petites chemises à carreaux, gazon vert fluo, barrière innocente et trois frigos : le décor en carton-pâte reflète à merveille un monde faussement lisse et parfait. Tellement qu’il en devient ennuyeux.
Ici, la folie qu’on s’attendrait à voir surgir d’un moment à l’autre pour compenser les apparences bourgeoises est toujours avortée. La dépression inexplicable du fils trouve sa résolution tranquille, la tentative de meurtre finale échoue, la tortue géante du jardin demeure invisible… On manque clairement de catharsis dans ce Bullet Park. Mais peut-être est-ce encore la meilleure expression de la frustration bourgeoise : ou comment on n’explose jamais, ce qui est probablement pire que d’exploser.