L’exposition, comme le catalogue, commence par un pied de nez : la photographie de la main d’un peintre, Avigdor Arikha, qui dessine son autoportrait, mise en abyme (je me suis souvenu de Johannes Gump, vu il y a six ans à Londres ) , passerelle fragile entre ces deux médiums ; ça aurait pu être une pirouette facile, mais quelque chose retient d’emblée ici : est-ce le talent du peintre ou de la photographe ? Martine Franck nous offre (à la MEP jusqu’au 8 janvier) une série de portraits d’écrivains et d’artistes, étrangers installés en France, ‘venus d’ailleurs’, portraits classiques et denses d’individus plus que d’une communauté : la plupart posent entourés de leurs œuvres, souvent avec simplicité ou avec malice, tel Botero appuyé sur les fesses d’une de ses géantes, parfois avec affectation comme Pierre Alechinsky trônant au milieu de ses créations.
Certains travaillent, portant une toile, encrant un rouleau, mais aucun ne peint ou ne sculpte en direct, aucun, je crois, ne se laisse surprendre au milieu de l’acte créatif. Pensant au Picasso de Clouzot, j’en ai été surpris, puis ému car j’y vois l’humilité de Martine Franck, son respect pour ces artistes qu’elle ne veut pas dominer, contraindre, imager, figer (aux antipodes, par exemple de Namuth avec Pollock).
Aussi, mon portrait préféré est-il cette image pudique et presque furtive de Zao Wou Ki portant une toile ou un vélin au fond de l’atelier, pressé, distrait, ne prêtant guère d’attention à la photographe qui a dû se faire toute petite dans un coin.Martine Franck étant représentée par Magnum, toutes les photographies sauf la première proviennent du site de Magnum, où vous pouvez voir l’intégralité de la série. Lire aussi Claire Guillot.