Marc Villemain
Éditions Ramsay
Son rire d’acteur ne dissimulait jamais ce qui surnageait en lui comme un « dauphin éternellement mélancolique. » Ce pour quoi son rire fut des plus beaux : il témoignait du pathétique de la vie. Il faut dire que celle de François, élevé entre nurse anglaise et valet de chambre, déploya sa nécessité autour d’un noyau de solitude et de sentiment de l’inutile. Son père regrettait qu’il fût le seul garçon à avoir survécu à la guerre (mais ils se retrouveront vingt ans plus tard), sa mère faisait du gringue à un officier nazi (et se donnera la mort à 75 ans), pendant que lui-même se battait à Mers el-Kébir avant de s’enrôler dans l’armée (américaine) et d’aller ouvrir les grilles de Dachau. Mais l’acteur attend du sort qu’il vienne excuser sa paresse. D’où ce personnage infiniment touchant de pudeur et de lucidité, à l’élégance cristalline et au regard crâne, témoin désabusé de la « vanité de la carrière. » D’où, aussi, ce récit où le loufoque est toujours préambule au drame, et où se croisent, improbables et vivants, Fresnay, Casarès, Olivier, Clavel, Cocteau, Jouhandeau, Noiret, Anouilh, Rogers, et même… Goering, ou Pie XII. Reste ce comédien ébranlé qui, à la fin des Acteurs de Blier, lance, flingue bien en main : « J’en ai plein le cul, figurez-vous, de jouer les hommes du monde. » Du pur Jacques François.Article paru dans LE POINT, 12 août 2004