Quand elle passe sous le prisme obsessionnel du duo parisien, la musique électronique n’a en effet plus les mêmes contours. Ses trajectoires deviennent difficiles à décrire tant elle se contorsionne, se travestit et s’assombrit avec une sensualité étonnante. Une sensualité noire qui rappelle évidemment un autre duo d’envergure, Suicide. La folie de Neonbirds est tout aussi contagieuse : terriblement dansante, elle amène naturellement les corps et les têtes à la répétition piétinante de mouvements saccadés, aussi curieux que mathématiques. C’est une impulsion cristallisée et froide, une musique du mouvement mais qui est aussi localisée et réductible à de l’étendue sonique : les morceaux ressemblent en effet à ces espaces nyctalopes et impersonnels que l’on rencontre peu avant le lever du jour après de longues marches vaporeuses – au moment précis où drogue et fatigue semblent se diluer l’une dans l’autre.
Bizarrement pourtant cet album n’est pas un catalogue répétitif et lassant de mélodies cold wave anesthésiantes. Il se décrit autant en images qu’en impressions ou en sentiments car il a en creux une véritable dramaturgie poétique. Les chansons se suivent, s’enlacent comme dans un enfilement de couloirs étranges, mais chaque pièce a une dimension propre. Chaque titre développe sa propre pathologie et ses propres angoisses. Les violences sourdes et murées de 01212 ou de While The Rock Scratch At My Side contrastent avec un morceau comme Cops & Fires qui déconcerte par sa nervosité et son émotion rock’n’roll. Dans tous ces titres, l’importance de la voix est essentielle : c’est elle qui ponctue de tragique ou d’espoir les chansons de l’album en s’ourlant tour à tour de douceur fragile ou d’un vide atmosphérique tranchant.
Une diversité d’univers qui n’empêche pas Ignition’s Cold, Oxygen’s Pale d’être cohérent. En effet, quand on y regarde de plus près, on mesure que les boîtes à rythme et les beats de jeux vidéo imprègnent chaque chanson d’un voile de nostalgie opaque qui rend l’album homogène et délicat ; aussi pâle que l’oxygène et plus froid encore que n’importe quelle combustion numérique.
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Tracklist
Neonbirds – Ignition’s Cold, Oxygen’s Pale (Substitute Records, 2011)
01. We’ve Got A Rocker
02. 01212
03. The Pretty Creatures
04. The Cops & The Fire
05. Substitutes
06. Plug Up Your Friends
07. Mechanics
08. Surfer Echo
09. While The Rocks Scratch At My Side
10. Decades