Année pré-électorale oblige, 2011 fut riche en ouvrages consacrés à Nicolas Sarkozy. Confidences « off », enquête sur quelques victimes directes du Monarque ou ses relations tumultueuses avec la Justice, le Monarque a été scruté, analysé, autopsié.
Personne ne pourra plus dire : « on ne savait pas ».
« Cet article est une saloperie qui mérite un cassage de gueule ! »
Avec cette simple citation de Nicolas Sarkozy, le patron de la rédaction du Point veut s'acheter un brevet d'indépendance. En avril 2011, Franz-Olivier Giesbert publie Monsieur le Président : Scènes de la vie politique 2005-2011. Pour un peu, FOG paraîtrait comme un dangereux dissident. Son émission hebdomadaire mais nocture, chaque vendredi soir sur France 3, est supprimée (et remplacée par un laborieux talk-show d'un pistonné du pouvoir dénommé Cyril Viguier). Mais la lecture de l'ouvrage révèle au contraire une formidable proximité du journaliste avec Nicolas Sarkozy. « oui, je suis un journaliste connivent, comme je dis, moi je n'ai pas de gêne là-dessus, mais je garde mon indépendance » concéda-t-il au Grand Journal de Canal+.
Sarkozy, Off
En mars dernier, Nicolas Domenach et Maurice Szafran, les patrons de l'hebdomadaire Marianne (dont le site internet héberge le blog Sarkofrance) confient sur papier quelques années de relations avec Nicolas Sarkozy. Relations professionnelles, bien sûr.
Cela donne « [Off] Ce que Nicolas Sarkozy n’aurait jamais dû nous dire » . Leurs anecdotes sont souvent cocasses. Notre confrère blogueur Le Chaffouin constata qu'on y découvrait un Sarkozy « plus hargneux, plus vulgaire, plus émotif et plus instable que jamais ».
« Sarko m'a tuer »
Début septembre, le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme fait rapidement polémique. Les médias s'attardent sur un témoignage, celui de la juge Isabelle Prévost-Delprez qui est d'ailleurs rapidement mais imparfaitement contredit. C'est dommage. Le reste du bouquin est passionnant et terrifiant. Il illustre combien la République fut carrément reprochable sous Nicolas Sarkozy. 27 témoins relatent comment Sarkozy les a professionnellement évincé. Certains sont connus (Aurélie Filippetti, Isabelle
Prévost-Desprez, Yves Bertrand, Claire Thibout, Renaud Van Ruymbeke, Patrick Poivre d’Arvor, Patrick Devedjian,
Dominique de Villepin, Julien
Dray,
Christine Boutin, Daniel Bouton).
D'autres le sont moins: David Sénat était ce conseiller de Michèle Alliot-Marie dont les fadettes furent étudiées par les services secrets français en juillet 2010, comme celles de deux journalistes du Monde, pour l'identifier comme la source de fuites de PV de l'affaire Woerth/Bettencourt.
Il y a aussi Jacques Espérandieu, ancien directeur de la rédaction du JDD jusqu'à son éviction en 2008; Jean-Hugues Matelly, gendarme mais chercheur au CNRS, radié de la gendarmerie par décret présidentiel après avoir critiqué le rapprochement gendarmerie/police; Valérie Domain, journaliste dont l'ouvrage de confidences de Cécilia Sarkozy fut intégralement mis au pilon; Dominique Rossi, patron de la police en Corse limogé 24 heures après l'occupation bon enfant de la villa de Christian Clavier; Éric Delzant, préfet de Haute-Corse viré en 2003 après l'arrivée mouvementée du ministre Sarkozy dans l'île de Beauté; ou Pierre de Bousquet de Florian, ancien directeur de la DST au moment de l'affaire Clearstream.
« L’abus de biens sociaux est à l’homme politique ce que la petite culotte est au violeur »
Nicolas Sarkozy parlait à Renaud van Ruymbeke. La phrase est tirée d'un livre, « Le Justicier, enquête sur un président au-dessus des lois », rédigé par une journaliste de France Info. Dorothée Moisan s'est attardée sur le douloureux rapport de Nicolas Sarkozy avec la justice. Depuis qu'il s'est auto-saisi des affaires de l'intérieur, l'ancien maire de Neuilly s'est toujours confronté brutalement aux juges. Il ne s'est jamais concilié le juge van Ruymbeke. Il en a même gardé une profonde rancoeur, qu'il ressort régulièrement aux médias dès que l'on aborde l'enquête en cours sur le Karachigate.
Dorothée Moisan détaille aussi le rôle de l'ombre de Patrick Ouart (conseiller justice à l'Elysée jusqu'en 2010, et véritable garde des Sceaux); ou comment Nicolas Sarkozy a placé des fidèles, progressivement et dès 2002, à quelques postes clés de la magistrature, souvent d'anciens membres de l'Association professionnelle des
magistrats (APM), tel
Yves Bot devenu procureur de la République de Paris (2002) ou le fameux Philippe Courroye au parquet de Nanterre (2007); ou les multiples pressions dans les affaires Karachi, Clearstream, Clavier ou Tapie.
A la place d'Henri Guaino ?
« Le Nègre du président » est un autre exercice. Daniel Carton, son auteur, s'identifie sans l'avouer à Henri Guaino et consorts. La perspective d'un prochain ouvrage de Nicolas Sarkozy d'ici mars, rédigé en un temps record malgré un agenda présidentiel que l'on nous promettait chargé, redonne un intérêt certain à l'ouvrage.
Henri Guaino a souffert des accusations de racisme portées contre lui après le discours - raciste - de Dakar prononcé par Nicolas Sarkozy en juillet 2007. Mais Daniel Carton ne vient pas à sa défense. Il s'identifie à un énarque qui se vengerait, en faisant lire à son monarque deux fois le même discours. On se souvient de l'anecdote, réelle, quand Nicolas Sarkozy fut surpris prononçant le même texte à propos des agriculteurs à 6 mois d'intervalles.
Les mallettes de Sarko
« La République des Mallettes » était un ouvrage très craint en Sarkofrance. Pierre Péan voulait s'attarder sur un sombre intermédiaire, Alexandre Djouhri, proche de Dominique de Villepin, mais aussi du directeur de la DCRI Bernard Squarcini, et qui a des entrées visiblement très faciles auprès de Nicolas Sarkozy lui-même.
Mais Péan balance bien d'autres choses. Comme lorsqu'il décrit le schéma des commissions du Karachigate: « c'est François Léotard, ministre de la défense, et son cabinet qui supervisent l'opération, mais c'est Renaud Donnedieu de Vabres qui est chargé de mettre les mains dans le cambouis: il présente l'intermédiaire El-Assir à Emmanuel Aris, responsable de la DCN-I. Pour garder les péages, là où se valident les commissions des contrats, est posté Nicolas Sarkozy, ministre du budget. »
L'auteur s'attarde également sur l'affaire Clearstream II (celle qui implique Villepin). Il explique comment Nicolas Sarkozy instrumentalisa cette manipulation pour mieux s'habiller en victime. Il détaille surtout pourquoi Nicolas Sarkozy a eu très peur. « La balle est passé à quelques millimètres ». Parmi les 895 comptes bancaires de Clearstream, l'un d'entre eux au moins était vrai, numéroté 16438 à la Banco Populare di Sondrio. Un compte qui abriterait, selon Péan, une part des rétrocommissions des ventes Agosta et Sawari II et qui aurait été placé là, toujours selon Péan, par Alexandre Djourhi.
Le livre de Péan fit si peur qu'un gigantesque contre-feu est allumé trois jours avant sa publication. Robert Bourgi, un avocat d'affaires, balance au JDD qu'il a transporté des mallettes d'argent en liquide provenant de chefs d'Etat africains jusque dans le bureau de Jacques Chirac, alors président de la République, et Dominique de Villepin, son secrétaire général. Evidemment, précise-t-il, ces trafics s'arrêtèrent quand Sarkozy fut élu. Entendu par la justice, ses propos furent classés faute de preuve quelques semaines plus tard.
Avant cette riche année 2011, d'autres enquêteurs avaient contribué à éclairer la présidence Sarkozy. Le désormais fameux « Le président des riches : Enquête sur l'oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy » de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, édité en 2010, réédité en 2011, fait office de bible à toutes celles et tous ceux qui souhaitent comprendre la politique de classe à l'oeuvre sous ce mandat. Il y a aussi l'enquête de Fabrice Lhomme et Fabrice Arfi sur l'affaire Karachi, « Le contrat: Karachi, l'affaire que Sarkozy veut oublier », publié en 2010 alors que l'enquête s'accélérait enfin grâce à l'action des nouveaux juges en charge du dossier, Marc Trévidic et Renaud van Ruymbeke.
Ami sarkozyste, ... bonne lecture !