Dans notre article précédent nous avons vu qu’il pouvait être dangereux de foncer tête baissée pour profiter d’aubaines apparentes sur les marchés étrangers. Il est vrai que notre portfolio fait la part belle aux titres US car les plus beaux payeurs de dividendes croissants se situent actuellement outre-Atlantique. Il faut néanmoins prendre certaines précautions avec ces valeurs car investir dans une monnaie tierce peut s’avérer risqué sur le long terme. Par chance, il existe plusieurs méthodes qui permettent de limiter ce risque. Nous verrons que les plus évidentes ne sont pas forcément les meilleures.
Le premier réflexe, c’est de se dire que pour limiter le risque de monnaie, on va maintenir dans le portfolio une part limitée d’actifs en monnaies étrangères. Il n’y a pas besoin d’être docteur en sciences économiques pour comprendre cela. Pourtant cela pose un autre problème : vers quel placement en monnaie locale va-t-on se tourner ?
Une solution serait de garder du cash. C’est payant à court terme, on conserve un peu d’argent de côté pour acheter des titres qui seraient bradés à un moment ou l’autre sur le marché. Mais à long terme la valeur du liquide s’érode à cause du renchérissement.
L’autre possibilité c’est d’acheter des obligations dans la monnaie locale. Un bon point qui tout en abaissant le risque de monnaie permet de diversifier les types de placement. Mais le problème c’est que ces derniers mois tout le monde a eu la même idée en même temps, en vendant des actions pour acheter des tires à revenu fixe. Le rendement de obligations est juste misérable actuellement (Confédération helvétique à 10 ans = 0.77%), sans parler du risque de renchérissement qui pourrait venir s’y ajouter.
Mais alors, c’est pas bien compliqué, il n’y a qu’à acheter des actions en monnaie locale. Certes. Mais il ne faudrait quand même pas oublier, que ça nous plaise ou non, qu’on vit dans un monde globalisé, que les frontières sont de vraies passoires et que la plupart des sociétés côtées en bourse réalisent une part importante de leur chiffre d’affaires à l’étranger. Et ça c’est d’autant plus vrai pour un petit pays comme la Suisse. Ca signifie qu’un franc fort / dollar faible, c’est mauvais pour les exportations et que les résultats des succursales à l’étranger, convertis en CHF, font un peu rikiki.
OK. Bon, alors on investit dans des petites sociétés locales qui n’exportent pas ! Bonne idée. Mais elles travaillent pour qui ? Pour les plus grandes sociétés qui, elles, exportent. Blanc-bonnet, bonnet-blanc. Oui, mais il y aura bien des boîtes qui ne travaillent qu’en local, pour des clients purement locaux… ah… là c’est déjà mieux, effectivement, on a par exemple certaines entreprises du secteur alimentaire qui produisent pour des clients du pays et qui peuvent même bénéficier d’une force de la monnaie locale pour acheter à l’étranger. Même s’ils comportent une petite part d’exportation, Bell et Emmi possèdent ces caractéristiques.
Néanmoins, si on arrive à se protéger en partie du risque de monnaie de cette manière, il est impossible de s’en affranchir complètement. Apparemment, les entreprises citées ci-dessus ne sont pas directement impactées par une baisse du dollar par rapport au franc suisse. Pourtant, une trop grande force du franc sur le long terme, comme c’est le cas actuellement, rime avec licenciements dans les entreprises exportatrices, et donc également chez leurs fournisseurs locaux, et donc une augmentation du chômage en Suisse, accompagnée d’une récession et d’une baisse de la consommation intérieure. C’est moins violent et moins immédiat que pour les grosses sociétés exportatrices, mais l’effet y est quand même.
De plus cette méthode restreint considérablement le choix des sociétés dans lesquelles on investit. Cette solution doit donc être combinée avec d’autres stratégies, que nous aborderons dans nos prochains articles.