Le succès du premier est une aberration magnifique. Un film muet en noir et blanc d’origine française prenant pour cadre le Hollywood des années 20, tourné à la manière d’un film de l’époque. Avec pour star Jean Dujardin et Bérénice Bejo, deux comédiens hexagonaux dont les américains doivent avoir le plus grand mal à prononcer le nom (ne parlons même pas de celui du réalisateur Michel Hazanavicius). The Artist aurait pu n’être qu’un film de niche avec de jolies critiques qui auraient fait parler de lui quelques semaines et auraient ensuite été noyées dans la saison des Oscars sous les machines américaines à attirer les prix, les films de Steven Spielberg, Stephen Daldry, David Fincher ou Alexander Payne.
Mais la noyade médiatique n’a pas eu lieu. C’est l’inverse qui s’est produit. Si les films américains ont squatté de plus hautes places au box-office (quoique pour la plupart des places décevantes), l’attention d’Hollywood n’a jamais quitté The Artist depuis sa sortie en novembre. Harvey Weinstein, qui distribue le film aux États-Unis via The Weinstein Company, s’est assuré de faire du film d’Hazanavicius l’un des évènements de l’automne et un sérieux candidat aux Oscars. Et plus les semaines passent, plus ce statut s’affirme, le film engrangeant de semaine en semaine plus de prix et de nominations, récompenses des critiques, Golden Globes, Independent Spirit Awards, Screen Actor’s Guild et j’en passe.
Ce qui est étrange, c’est que l’un des plus sérieux candidats aux mêmes récompenses aux États-Unis est un film qui comme The Artist semble parfaitement anachronique à l’heure Hollywoodienne. Hugo Cabret de Martin Scorsese. Le cinéaste new-yorkais est un habitué, ces dernières années, des récompenses et de la course aux Oscars, et même de flirts très prononcés avec les cimes du box-office, alors trouver le titre de son dernier film parmi les longs-métrages les plus appréciés de l’année au Pays de l’Oncle Sam n’est pas si étonnant que cela. Ce qui l’est en revanche, c’est de découvrir le film qu’a concocté Scorsese : alors que l’on nous annonçait un grand film populaire de Noël, Hugo Cabret s’avère être un film très personnel aux allures d’hommage au cinéma et à ses racines. Un grand film cinéphile qui déclare l’amour de Scorsese pour le patrimoine cinématographique et la nécessité de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour le préserver.
Et voici donc qu’Hugo Cabret et The Artist, ces deux films hautement improbables, déchaînent les passions de l’usine à rêves. A l’heure des suites à foison et des adaptations de comic book par dizaines, un peu de fraîcheur fait un bien fou, aussi vieux jeu soit-elle, même si c’est plus pour amasser des récompenses que pour attirer les foules. Après tout, qui sait ce que sera le véritable potentiel de tels films, une fois que les plus prestigieuses récompenses leur seront décernées ?