Ce qui me gêne dans tout ça, ce n’est pas tant que l’on tire des plans sur la comète, après tout depuis que le monde est monde blablabla, c’est plutôt que tout cela soit fait très sérieusement avec assez peu de recul, me semble-t-il. Et ceci de la part de gens très sérieux et très « influents » ça me gêne bien plus. J’entends un certain méridional râler sur les discours yaka fokon… nous y sommes.
Le collaborateur, ambassadeur de la marque employeur
Je ne prendrai pas toutes les tirades, je me concentrerai sur une seule que je retrouve de plus en plus dans les verbes et les écrits. Celle qui veut que le collaborateur, a fortiori celui qui travaille dans les RH, soit un ambassadeur de sa marque employeur. Discours au demeurant fort séduisant. Après tout, quoi de plus logique que de faire de celui qui participe au recrutement de ses pairs, un modèle, un ambassadeur au profil irréprochable portant les couleurs de la marque qui l’embauche.
Séduisant en effet mais n’est-ce pas en contradiction avec un autre postulat que parfois les mêmes tenants du discours collaborateur/ambassadeur défendent : il faut être maître de son personal branding et le développer si l’on veut sortir du lot pour profiter des meilleurs leviers du recrutement 2.0. C’est peut-être là que le bât blesse non pas que marque employeur et marque employé (le personal branding de celui qui a été recruté) s’opposent nécessairement mais le caractère un peu dogmatique de certains discours occulte parfois les interrogations. Mais n’est-ce pas le principe du discours dogmatique
Cette envie de billet s’est faite plus pressante à la lecture d’un mémoire fort intéressant puisqu’il pousse à la réaction et j’espère à la conversation
Employabilité, marque employeur, marque employé
Quand le collaborateur n’est encore que candidat, il lui est vivement conseillé de développer son identité numérique dans un souci d’authenticité pour être au plus près de ce qu’il est et ainsi mettre à jour ses qualités au point qu’on puisse voir en lui le talent dont le potentiel employeur ne devrait pas se passer. En somme on lui demande de valoriser son employabilité au point que dans un vivier il serait remarqué comme hors pair. Alors une question me vient ensuite : pourquoi ne pas cultiver ledit candidat dans cette démarche une fois qu’il passe la frontière en devenant collaborateur?
N’y a-t-il pas une contradiction dans les termes à vouloir « fondre » le collaborateur dans une masse uniforme, fut-il mis en avant au titre d’ambassadeur, alors même que ce qui nous a fait le recruter c’est d’avoir été précisément capable de sortir du lot? Pourquoi ne pas l’aider à poursuivre son chemin d’employabilité à une ère où l’on sait que de moins en moins de salariés font toute leur carrière dans la même entreprise? Ne soutenons-nous pas qu’une charte d’utilisation des médias sociaux pour être efficace ne devrait pas relever d’un pouvoir contraignant mais incitatif? Quid alors du discours interjectif sur la mise à jour d’un profil de collaborateur? Pourquoi tenir un discours qui ferait d’un profil personnel Viadéo ou Linkedin un nouvel étendard pour une marque employeur? L’entreprise n’aurait-elle pas plus à gagner en accompagnant ses collaborateurs dans un registre d’employabilité individuelle au service du collectif? Ce discours, bien sûr, devant être regardé au travers du prisme de la culture d’entreprise… tout comme celui qui fait du collaborateur, un ambassadeur, d’ailleurs.
A un moment où même le législateur prend conscience de la multiplicité des fonctions voire des métiers et permet aux travailleurs de les organiser publiquement notamment avec le statut d’auto-entrepreneur, peut-on tenir un discours dogmatique voire un brin stigmatisant pour le collaborateur qui ne se montrerait pas un « bon » ambassadeur? Je sais bien que je viens par ces mots de faire hérisser le poil de certains mais si face à mes élèves je les exhorte à faire preuve de sens critique, je ne peux dans ma pratique m’empêcher de relever ce qui me pose question.
Les habitudes ont la vie dure, les dogmes aussi
Tous les choix que nous faisons lorsque nous établissons une stratégie devraient à un moment être mis sur la sellette, titiller à la critique, déconstruits pour voir s’ils tiennent la route face à l’argumentation contraire.
En somme, si on essayait de sortir des visions parcellaires et que l’on considère les médias sociaux et les usages qui en sont faits comme une sorte de fait social total, que nous resterait-il de ces discours dogmatiques?
Ce billet est particulièrement dédié à Louis, un de mes élèves du CFPJ.
Mémoire de fin d’études de Bérengère Simon et Nathalie Schäfer, décembre 2011 View more documents from Nunalik – Catherine Ertzscheid.