Lecture concomitante d'un grand ménage anthume, comme l'écrirait Alphonse Allais, de ma boîte de photos et cartes postales. Anthume, car j'ai décidé de procéder moi-même et par avance à un débarras que j'évite ainsi à mes héritiers -- les bien nommés liquidateurs. À qui j'épargne les interrogations, et autant de commentaires sur les dames du temps jadis et autres neiges d'antan, sur ces gens de naguère posés qui devant la pyramide du Louvre (je n'ai jamais été très tour Eiffel), qui dans la cour carrée du château de Versailles. Si le sac destiné au recyclage de ces carrés et rectangles glacés s'est bien vite rempli, il a pris un peu plus de temps à franchir les quelques pas entre l'appartement et la chute fatale dans l'oubli. Deux semaines pour être précis. Ce qui, somme toute, n'est pas si long pour environ quarante-cinq ans de clichés. Des premiers pris en noir et blanc au temps de l'exposition universelle et d'un premier voyage en Europe, aux derniers bien colorés mais déjà si désuets, lors de telle cérémonie qu'il convient bien d'appeler mariage, aux yeux des seuls hommes, les dieux -- du moins ceux qui ont siège social à Rome -- ne s'occupant pas de ce genre d'union, photographies destinées à pérenniser ce qui, comme rose, ne dura qu'un printemps : Want to buy some illusions ? « Devant ces photos d'autrefois, j'ai l'impression que le présent est un pays étranger. J'y vis en exil.» écrit Roger GRENIER dans ce bref récit, lui étant « l'un », ses appareils photos successifs étant « l'autre »; pour moi qui ne voyage plus guère, me voici dispensé d'avoir à renouveler mon passeport mémoriel pour cette terre de ce qui constitue autant de memento mori. Et d'ailleurs, pour ces vanités, l'ordinateur a désormais pris la relève, qui dispense de la traditionnelle boîte à chaussure.
Citation de Diane ARBUS : « Tout le monde a ce désir de vouloir donner de soi une certaine image, mais c'est une toute autre qui apparaît. Une photographie est un secret au sujet d'un secret. » Au fond, ce blog ne serait-il pas, lui aussi, une photographie ?
Présentation :
« Si j'ouvre mes vieux albums, les compagnons d'autrefois, la plupart disparus, me regardent. C'est un plaisir un peu triste et puis, d'autres jours, un face-à-face avec le néant. Certains, certaines étaient jeunes et séduisants, vraiment beaux. Ils n'auront jamais été vieux. Au bout d'un moment, il est intolérable de se dire qu'ils sont dans une tombe, ou réduits en cendres. Je referme l'album.
Devant ces photos d'autrefois, j'ai l'impression que le présent est un pays étranger. J'y vis en exil.»