Faites le mur !

J

e regarde le film de Banksy, « Sur les murs ». Je prends mon portable et écris ce post. Mais l’objet n’est pas de parler de l’anonymat de l’artiste, la chose la plus connue de lui, plutôt d’associer à Banksy le billet précédent à propos d’un autre film, « Le Havre », réalisé par Aki Kaurismaki avec André Wilms dans le rôle principal.  La réflexion en était la séparation qui existe entre Culture (au sens médiatique) et Art. L’Art est violent, est unique, se suffit-il à lui-même ?

La chute est dure pour l’artiste reconnu, maintenant presque adulé : stars qui s’offrent, pour quelques centaines de milliers de dollars, un Banksy. L’anonymat était là pour faire reconnaitre l’objet d’art et son sens en lieu et place de l’artiste. Il est devenu l’objet même de son identité. L’objet culturel, le tag, la peinture sur les murs, l’installation, la signature ratesque se sont substitués à l’œuvre et à son sens. Si vous avez vu le film, je pense que Mr BrainWash pourrait être l’alter-ego culturel de Banksy l’artiste. C’est en tout cas mon point de vue. Là où Banksy crée, BrainWash médie. Et la médiation appelle le fric, et brouille nécessairement les cartes, car l’objet culturel est apprivoisé, diffusé, vendu, sur des tee-shirts, des affiches, de la PLC. La grande machine laveuse de cerveau est en marche.

Pourquoi parler de Banksy dans ce blog ? Il parle de science ? Non. Il fait dans l’ »Art et la Science » ? Pas plus !

Non, il est là à cause de considérations personnelles. Si je fais un parallèle avec la « mise en culture de la science », et donc sa médiation vers un public large, j’éclaire mes propres contradictions ! Sortir la culture scientifique d’un ghetto élitiste, la proposer au plus grand nombre, et ouvrir la parole, c’est comme peindre sur les murs, dire ce qu’on pense, choquer, établir des ponts entre idées contradictoires, et jouer en souriant. Je fais partie des quelques-uns qui se sentent des affinités avec ce peintre turbulent, auto-défini, je ne dirais pas que je me mets autant en danger que lui, mais, … Mmmm …, quelques accointances, quoi ! Bref, la parole de science peut et doit être libre, disé-je le poing levé ! Et alors ? Et alors, c’est vrai aussi pour News of the World, c’est vrai également pour n’importe quelle émission de télé, et des animateurs ou publics qui la construisent. C’est vrai pour n’importe quel documentaire, ou reportage. Et peu importe si cette arole parait fausse aux scientifiques eux-mêmes.

Et donc, la médiation entraîne une prise en main sociétale du discours scientifique, une paupérisation du sens (sans doute), une normalisation par la parole d’expert, une marchandisation (combien coûte la vitesse de la lumière ?). Comme l’art et sa médiation : là ou le sens existe, le message se noie par la multiplicité.

En plein dans mes propres contradictions, vous dis-je ! Faut-il plutôt défendre une idéologie populaire de la médiation, quitte à ce que la médiation des sciences, dans son sens, se paupérise ? Mais alors, le sens de la parole de science de délite, se vend, comme une énième reproduction de Warhol dont on aurait vidé tout son sens. La parole de science, c’est aussi du Warhol : un objet médiatique, reproduisible à l’extrème. Alors, la science meurt.

Que faire alors ? D’une part, les scientifiques pourraient arrêter de crier au scandale dès qu’une médiation scientifique est fausse. Ensuite, ils pourraient faire appel non pas à leurs experts qui ne créent aucun principe de réalité autour du sens (et d’ailleurs, ils ne servent strictement à rien), mais plutôt demander de l’aide auprès de médiateurs spécialisés. Enfin, ils devraient accepter le débat dans le cadre d’une médiation dans tous les sens.

L’autre option reste bien sur le discours élitiste … le vulgus pecum peut toujours délirer, il ne sait rien, n’a aucune culture, et surtout n’a aucun pouvoir puisqu’il ne détient pas le sens. Une position toujours extrèmement majoritaire aujourd’hui.