Evan, carnet de bord 'un ange déchu...
Par Bordierlaurent
Les séniors furent plus chanceux que nous, car, en plus de les attendre avec le sourire niais-empathique, le conducteur descendait de sa cabine pour les aider à
faire grimper leur chariot à provisions. Ce que j’en dis maintenant me ramène au fait qu’il ne faisait aucune action du coup. S’il pensa qu’un Dieu quelconque bénirait geste en acte de
bienveillance ou autre charité bien ordonnée ; il se mettait le doigt dans l’œil jusqu’au nerf optique, car le mal pour un bien réduit à ne rien faire…c'est-à-dire le mal.
Il était hors de question pour Mélanie de faire le trajet à pied de
toute façon. Quelques années auparavant nous avions déjà tenté les trente minutes de marche jusqu'à la ville par des chemins caillouteux, mais au bout d’un kilomètre ou deux elle s’était
foulée la cheville en butant dans un nid-de-poule. Furieuse et maudissant la terre entière de toute son âme elle m’avait prêté son téléphone portable afin que j’aille chercher du réseau
tout en haut d’une butte de terre ; mais même sur la pointe des pieds et les bras tendus en direction du ciel, pas une buchette n’était apparue. On n’a jamais retrouvé son
téléphone ; enragée de ne pouvoir appeler nos parents, Mélanie l’avait jetée dans une mare non loin du nid de poule. C’est le prêtre du village qui nous voyant rebrousser chemin bras dessus bras
dessous avait gentiment ralenti puis stoppé sa xantia blanche sur le bord de la route en s’écriant par la vitre ouverte :
– ça va les amoureux ? Les anges doivent vous envier ! vous êtes tellement mignons tous les deux sous ce soleil printanier, bras dessus bras dessous,
que je n’ai pas hésité une seconde à m’arrêter pour admirer ce tableau céleste !