Dans «Le Silence du bourreau», l’auteur du «Portail» revient sur les soixante-dix-sept jours pendant lesquels il fut le prisonnier des Khmers rouges. Un témoignage cornélien.
Sous la paix des arbres et des mousses, Pierre Loti avait respiré au Cambodge un parfum d’éternité bouddhique, l’indolente sérénité d’une terre que l’oubli avait transformée en conservatoire des rites anciens. Des rites compliqués dont le sens s’était perdu. Tout à la fois un paradis et un fameux chantier pour les ethnologues. L’éternité, dans le domaine des civilisations, il n’est rien de plus mortel.
Le hasard a voulu que l’ethnologue François Bizot débarque au Cambodge au moment où les Khmers rouges rappelaient ce résidu assoupi du vieil empire au sens des réalités. Arrêté, le scientifique passera soixante-dix-sept jours dans la peur d’être exécuté d’un coup de bêche. Il ne devra son salut qu’à l’inintelligible clémence de son bourreau, Douch, responsable de la mort de milliers de personnes et unique condamné au procès des Khmers rouges, trente-huit ans plus tard. Un procès où Bizot sera le seul témoin.
C’est le récit de ce bouleversant face-à-face qui est ici rapporté, dans l’éclairage du plus violent dilemme: comment reconnaître son sauveur dans son bourreau? Et son bourreau dans son sauveur? «A mesure que l’on observe sans feindre la monstruosité des autres, on finit tôt ou tard par la reconnaître en soi…»
Sans complaisance ni faux-semblant, l’auteur dénoue le fil de l’innocence perdue et des fraternités impossibles. Jusque dans l’infâme gratitude à quoi il l’oblige, son tortionnaire continue ainsi de le tourmenter. Une confession odieusement magnifique. Jean-Louis Ezine
Source: “le Nouvel Observateur” du 15 décembre 2011.
viaFrançois Bizot, le martyre du gracié – - Bibliobs.
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