Les Chroniques de Mandor, par François Alquier
Sur son blogMyriam Thibault: interview pour Orgueil et désir
Vous connaissez tous l’expression :"Suis-moi, je te fuis; fuis-moi, je te suis". Elle résume parfaitement le premier roman de Myriam Thibault, Orgueil et désir. Après un recueil de nouvelles paru à la rentré littéraire 2010, Paris, je t’aime, la revoici avec un livre plus consistant (mais pas encore tout à fait insolent) qui prouve (tout de même) que cette jeune Tourangelle de 18 ans est en train, tranquillement, de se faire une place au soleil dans le monde littéraire français. C'est mon ami Jérôme Attal qui me l'a présenté lors du Salon du Livre de Paris de l'année dernière... je l'ai recroisé à celui de Chateauroux quelques jours après. Je m’étais promis de m’intéresser à ses écrits. C’est chose faite aujourd’hui. Le 8 décembre dernier, elle est venue me voir à l’agence pour une mandorisation quasi improvisée et sans langue de bois… 4e de couverture : Un jeune chroniqueur télé, qui porte avec arrogance un regard ironique sur la vie parisienne, a un coup de foudre pour une femme croisée dans la rue. Il la suit jusqu’à ce qu’elle le remarque. Après quoi, il la fuit. Attirée à son tour par lui, c’est elle qui décide de le suivre. La rencontre se concrétise alors, mais aucun ne fait un pas décisif vers l’autre, car chacun préfère rester sur son quant-à-soi. Avec une acuité particulière, Myriam Thibault décrit l’incapacité, si commune aujourd’hui, à exprimer ses sentiments, l’orgueil étant plus fort que le désir. L’auteure : En première année de licence à la Sorbonne Paris IV, en Lettres Modernes Appliquées. Après un recueil de nouvelles, Paris, je t'aime en 2010, aux Éditions Léo Scheer ; son premier roman est sorti en septembre 2011, Orgueil et désir (Prix du premier roman, de la Forêt des livres 2011). En parallèle, elle est également rédactrice pour La Cause Littéraire. Interview : Tu es à peine majeure et tu sors déjà ton deuxième livre. Si jeune, d’où te vient cette boulimie d’écriture? Vers 12-13 ans, j’écrivais déjà de petites histoires. À cet âge-là, j’avais déjà l’idée de devenir écrivain à 30-40 ans. Pas à 18 ans… pour moi, c’était de l’ordre de l’inimaginable. D’autre part, j’ai toujours beaucoup lu. Ma mère m’offre des livres depuis mon plus jeune âge. Je me jetais dessus. Toujours vers 12 ans, mes parents m’emmenaient même dans des salons du livre. Quand j’ai commencé à rencontrer des auteurs, ça m’a vraiment donné envie d’écrire pour être publiée. Quand j’ai vu que Boris Bergmann a été publié à 16 ans, j’ai compris que c’était possible. Tu avais un côté midinette avec les écrivains ? Oui, comme certains de mes camarades étaient fans de chanteurs ou d’acteurs, moi j’étais fan d’écrivains. Je le revendique. Raconte-moi la rencontre avec Léo Scheer. Symboliquement, je voulais que mes nouvelles soient publiées avant mes 18 ans. J’ai fait une liste d’éditeurs susceptibles de les accepter. Je les ai envoyées et j’ai eu plein de réponses négatives et positives. Dans ceux qui ont dit oui, il y avait Léo Sheer qui a bien voulu me rencontrer. C’est aussi simple et naturel que cela. Je crois savoir que tes parents n’étaient pas au courant de ta démarche. Effectivement, il a fallu que je leur explique. Ils ont été surpris, mais au final, plutôt contents. Ils m’ont accompagné à Paris pour le rendez-vous. Ils ont pensé quoi de ton recueil ? Ils ont beaucoup aimé. Étonnant, non ? Très objectifs… Ton recueil de nouvelles est sorti quand tu avais 16 ans. Tu viens tout juste d’avoir 18 ans… ce n’est pas gênant d’avoir pas mal de presse principalement parce qu’on est la benjamine de la littérature française ? Ça ne me gêne pas outre mesure, mais je trouve que, finalement, on n’en parle pas beaucoup. Franchement, on parle plus de Marien Defalvart, par exemple. Cela étant, que je sois la benjamine de la littérature française, ça va bientôt se terminer. Ce genre d’argument n’a qu’un temps. C’est plus simple pour toi, d’écrire des nouvelles ? Oui. D’ailleurs, en toute honnêteté, certains ont dit que mon roman était une grosse nouvelle. Ca ne me vexe pas plus que ça. J’ai beaucoup de respect pour les auteurs de nouvelles. Certaines critiques, Beigbeder ou le Figaro Magazine, par exemple, sont plutôt gentils avec toi, mais estiment que tu as encore les défauts de ta jeunesse…Beigbeder, il dit même que ton roman est « bâclé ». Venant de lui, ça me fait rire. Il termine son papier en disant qu’il m’en veut beaucoup de le faire passer pour un ronchon épaté. J’ai pris cette critique très bien, mon éditeur, beaucoup moins. Quand même, Frédéric Beigbeder fait une comparaison avec Sagan… Et puis, après tout, il n’est pas là pour faire l’éloge de mon deuxième livre, alors ce qu’il exprime, je l’entends… et je vais faire en sorte que personne ne trouve mon troisième livre « bâclé ». Il te reproche aussi d’avoir écrit 4 pages sur une chanson de Biolay et que dans un roman de 100 pages, c’est un peu beaucoup. Je suis d’accord avec lui. (Rires) Dans le Figaro littéraire, ils titrent « Surdoués mélancoliques »… ça commence bien. Puis après, le critique ajoute : « Le trait des deux personnages sont parfois un peu forcés, les situations peuvent sembler improbables, les digressions un peu lourdes, mais la magie opère… ». Si on positive, tout le monde dit que c’est encourageant pour la suite de ton œuvre, mais qu'il te faut encore travailler… La critique m’est très utile. Ce sont des choses que, de livre en livre, je vais tenter de corriger. Moi, j’aime la critique tant qu’elle est réellement constructive. Et souvent, en ce qui me concerne, elle l’est. Tu ne te vexes pas facilement, dis donc… J’ai 18 ans, je ne demande qu’à apprendre encore et encore. Donc, j’écoute. Ça ne peut que me faire progresser.Je me fais un peu l’avocat du diable, mais ton livre est un peu un livre sur le désir… ce n’est pas un peu prématuré de choisir ce thème à ton âge? J’ai surtout voulu montrer une certaine vision de la société, sans pour autant l'approfondir. À mon âge, ce serait ridicule parce que je vais évoluer… mes idées avec. Mon roman n’est pas qu’une histoire d’amour, mais comme l’indique le titre, c’est surtout un livre sur l’orgueil. Mon héros, chroniqueur télé, sorte de Nicolas Bedos, a un orgueil tellement développé qu’il s’empêche l’amour. Tu écris un nouveau roman en ce moment ? Je suis dans la phase de recherche d’idées. Une fois que j’ai l’idée, ça part tout seul. Cette fois-ci, je ne vais certainement pas évoquer le rapport homme-femme et je vais tenter de me détacher de Paris. Je crains qu’on me reproche de situer mes histoires uniquement dans cette ville. Que lis-tu pour te détendre ? Je lis principalement des romanciers contemporains. Des gens qui sont encore vivants, car si je les rencontre, je peux discuter avec eux. J’aime échanger avec les auteurs que je lis. Évidemment, ça ne m’empêche pas de lire les classiques et d’autres auteurs qui ne sont plus de ce monde... Je sais que tu apprécies Frédéric Beigbeider, Nicolas Rey, Jérôme Attal… des auteurs dont je ne connais pas d’équivalent féminin… Aimerais-tu avoir une écriture plus acerbe ? Oui, j’aimerais arriver à ça. Une critique un peu cynique de la société actuelle, mais qui fait rire quand même tout en restant cohérente. Je souhaite diriger la suite de mes écrits vers cela.