Qu'avons-nous à craindre d'être évalué si ce n'est la transparence qu'elle impose ?
Vous connaissez peut-être déjà le site de note2be
le site où il est, où il a été possible de noter ses professeurs. Dans son JT de 20heures, la chaîne France 2 s’est même interrogée pour savoir si demain grâce à Internet, ce ne seront pas
d’autres professions qui seront ainsi évaluées, et de citer les médecins, voire les journalistes concluait le reportage. En effet, pourquoi pas ! De telles démarches existent déjà à
l’étranger et l’on serait surpris [?] de constater qu’il en soit autrement en France. Cependant force est constater que l’évaluation est une démarche taboue en France puisqu’en allant sur le site
de note2be on peut lire ceci : « A la suite de la décision du Tribunal
de Grande Instance de Paris note2be doit cesser de collecter et de traiter
les noms et les notes des enseignants ». Il faut dire que même l’idée de noter les ministres pourtant a priori partie d’un bon sentiment a du faire l’objet de rectifications multiples
de la part du Gouvernement. De quoi avons-nous peur en refusant le regard critique de l’autre, de celui qui est a priori en position de « subordination » [J’utilise ce terme sachant qu’il n’est pas le plus approprié, ni adapté à l’ensemble des situations pouvant être ciblées par la démarche d’évaluation] ? Peut-âtre
craignons-nous simplement le regard de l'autre, ce miroir social ?
Aussi, dans ce contexte l'idée de noter son maire m’est apparue séduisante mais elle nécessiterait là aussi d'être approfondie. C’est que nous propose le
site notemaire.com. Xavier P. responsable du site pose la démarche comme une évidence « voyant quelques élus municipaux, ne s'occupant de leur
ville qu'à l'approche des élections municipales, nous avons décidé d'être les premiers à lancer un site de notation des Maires de France », ce faisant il fait écho de manière non moins
évidente à l’idée lancée par Ségolène Royal, et fustigée à l’époque, de mettre en place des jurys citoyens. Que n’a-t-on pas dit d’ailleurs à l’époque ! Aussi, nous souhaitons courage à ce
site pour qu’il puisse vivre mais à l’aulne des derniers exemples, il est à craindre que l’establishment politique quelque soit la tendance est à cœur de vouloir jeter aux orties cette nouvelle
tentative, dans un autre domaine, de donner à la parole à ceux qui sont dans une position passive.
L'idée que chaque citoyen puisse ainsi exprimer son opinion, sa voix au delà du bulletin de vote glissé dans l'urne est séduisante car elle donne un sens
plus dynamique à la notion même de démocratie participative. Il est vrai que l’on a trop longtemps voulu cantonner les citoyens dans un rôle passif correspondant à cette apostrophe de Jean
Sarkozy sillonnant les rues de Neuilly-sur-Seine « faites nous confiance ». Je cite celui-là car il a la [mal]chance d’avoir un patronyme
célèbre mais chacun dans sa commune pourra confirmer que la première démarche du candidat à l’élection municipale repose en partie sur ce credo « faites nous confiance ». Et à
vrai dire, c’est bien sur cette ambiguïté fondamentale que l’ensemble du système démocratique repose. Par le fondamental posé par le principe de la « représentativité », le
citoyen est censé s’exprimer, une fois pour toute [au moins pour la période du mandat], et de manière universelle, sur l’ensemble des sujets sur lesquels le
maire ou l’élu aura mandat d’agir. « Faites nous confiance ! »
Voilà seulement le quidam qui se promène au salon de l’agriculture s’estime désormais en droit non seulement de refuser de serrer la main au premier élu de
France mais aussi de lui envoyer une phrase marquant à l’adresse de l’intéressé à quel point il le méprise « ne me touche pas, tu vas me salir », histoire de lui faire
comprendre que si celui-ci s’autorise à être à « tu et à toi » avec les citoyens, ceux-ci ont et gardent leur liberté de penser et peuvent refuser devant témoins de participer à
l’opération de communication politique que constitue désormais le passage obligé du Président de la République au salon de l’agriculture. En un sens, ce quidam a démontré aux yeux de tous que le
« faites nous confiance » ne tient plus.
Les citoyens veulent pouvoir s’exprimer en continu sur leurs autorités, et ce phénomène touchera de manière inéluctable toutes les professions et tous les
métiers. Personnellement, en tant que cadre, j’ai toujours essayé de « prendre la température » auprès de mes équipes pour « évaluer » un tant soit peu le ressenti de mon
« mangement ». Exercice difficile car culturellement à contre courant. Ainsi l’une des premières règles que l’on vous assomme dans les écoles de management, c’est que le cadre n’est pas
là pour faire plaisir ni plaire à ses équipes. Certes ! Etre manager, ce n’est pas une entreprise de séduction [quoique ? on pourrait ici développer toutes les théories liées au management par les émotions, mais ce serait un peu long], mais pour autant être manager, ce n’est plus, non plus,
se croire être dans le tout pouvoir au risque de dériver vers des formes de harcèlement professionnel, voire moral.
En va-t-il autrement en politique ? Certes non ! Le mandat donné par les électeurs ne doit pas s’entendre comme un blanc seing autorisant à se
croire tout permis au prétexte que l’on a été élu à la majorité quand bien même celle-ci serait jugée « confortable ». Voilà tout la difficulté de l’exercice du pouvoir quelqu’il soit.
Voilà qui explique pourquoi les élus, représentant le pouvoir politique, les juges représentant le pouvoir judiciaire, les journalistes représentant le pouvoir médiatique, les chefs d’entreprises
représentant le pouvoir économique sont si facilement la cible aujourd’hui de critiques. Parce que la forme de l’exercice de leur pouvoir ne peut plus demeurer telle qu’elle a été.
Nous sommes face à un véritable défi. Car si l’on veut que les sociétés demeurent « efficaces » et en se transforment pas en système anarchique
incapable de prendre des décisions, il faudra bien trouver un biais d’entendre plus grandement que ce qui est fait aujourd’hui cette « France d’en bas » pour reprendre une
expression qui semble datée mais qui conserve son sens ici.
C’est pourquoi la démarche de Xavier P. avec le site notemaire.com correspond à une logique à laquelle le Blog
Citoyen adhère même si elle se révèle imparfaite en l’état. La question étant de savoir si nous avons tous vocation à être évalués, jugés non seulement par nos pairs mais aussi par l'ensemble des
citoyens ...
Il ne faut pas conclure en oubliant de mentionner que le principe de notation n'est pas exclusif des individus mais concerne aussi et avant tout les institutions : notation financière, notation
sociale des entreprises, ... et il y aurait à dire !
Voir les expériences étrangères :
ratemyprofessors.com
rateMyTeachers.com
RateMDs.com
Autres expériences
Notation des articles sous SPIP
Agences de notation