L'Institut de l'Entreprise a organisé un sondage très intéressant auprès de plusieurs entrepreneurs sur la thématique lancée par François Bayrou, la production en France. Le sondage est intéressant parce qu'il demande aux entrepreneurs ce qui serait à leur avis nécessaire pour développer le made in France. J'ai toutefois un regret : sur 1000 contacts pris, 92 seulement ont répondu à l'Institut de l'Entreprise.
Tous s'accordent toutefois à reconnaître que la France souffre avant tout d'une perte de sa compétitivité. Particulièrement, la concurrence des bas salaires, de faibles performances en matière d'innovation et de recherche et des coûts de production trop élevés sont mis en avant.
Mais ce qui m'a surpris, c'est ce que ces décideurs ont proposé pour redresser l'industrie française : ils placent à une majorité écrasante (96%) l'éducation et la formation comme priorité pour en améliorer sa compétitivité. En deuxième position, on trouve les pôles d'innovation et de recherche.
Cela rejoint clairement l'analyse de François Bayrou qui fait du produire et de l'instruire les deux jambes sur lesquelles la France doit marcher. Je pense, si du moins j'en crois l'analyse de Jean Peyrelevade, l'un de ses conseillers économiques, qu'il s'accorde à penser que les marges des entreprises sont trop faibles ce qui les empêche de développer leur RD. L'idée de s'appuyer sur la CSG pour financer la protection sociale, en plus d'être plus juste puisqu'elle touche tous les revenus, dégagerait sans doute quelques marges supplémentaires pour les entreprises.
Je n'ai pas été si surpris de voir arriver la question de la formation et de l'éducation en pole-position : j'avais fait savoir le 26 novembre dernier que la CGPME (Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises) cherchait à pourvoir 250 000 emplois. La CGPME, s'appuyant sur une enquête du CREDOC (dont Robert Rochefort, proche conseiller de François Bayrou, a longtemps été le directeur), constatait que 7 entrepreneurs sur 10 peinaient à trouver chaussure à leur pied quand ils recrutaient.
A ce sujet, il y a eu un soupçon sur la nature et la qualité des emplois proposés : j'ai donc contacté le service de communication de la CGPME pour en savoir plus, et, voilà ce que j'ai obtenu comme éléments supplémentaires :
- A ce jour le salaire médian proposé s’établit à 1990€ (même si la plupart des offres ne mentionnent pas cet élément.)
- 44% des offres dans le secteur des services ; 40% dans l’industrie ; 16% dans le commerce
- 69% des offres en CDI ; 31% en CDD
En termes d'emplois, il y a en tout cas un problème d'adéquation entre formation et demande. Il serait intéressant de demander aux chefs des PME s'ils pensent eux aussi que ce décalage affecte leur compétitivité.
Il est également intéressant de constater que les entrepreneurs sont une large majorité à n'avoir que faire des subventions et aides publiques.
Il y a en revanche un impondérable qui demeure un obstacle apparemment insurmontable, c'est celui des coûts salariaux : pour les 2/3 des décideurs qui ont répondu, c'est l'obstacle principal à la production en France.
Je me suis fait sur ce point une réflexion : si ce sont les coûts salariaux qui génèrent le plus de problème, il faudrait les rendre sinon marginaux, du moins secondaires dans le coût final d'un produit. Ceci est envisageable avec une mécanisation accrue de l'industrie. En effet, une machine est une machine : si dans la production, la machine entre pour 80% et l'homme pour 10%, même si l'homme français coûte le double de l'homme chinois, par exemple, il n'impacte pas fortement le coût final du produit.
L'inconvénient, dans une telle hypothèse, c'est qu'il faut soit accroître la production en vendant plus, soit perdre significativement des emplois. Enfin, je dis ça, après tout, je ne suis ni entrepreneur, ni industriel ni économiste (pour ces derniers, on dit toutefois que Dieu les a créés pour tenir compagnie aux météorologistes...).
Bayrou organise un forum à ce sujet en janvier : nous en saurons sans doute plus à ce moment-là.