Voici un trés beau texte, simplement à méditer. Il est paru, ce matin, dans Liberation et il émane d'Hélène Schoumann, journaliste.
Monsieur le Président, Je m’appelle Hélène. J’ai 49 ans, mais j’ai aussi 10 ans.
C’est l’âge qu’avait la fille de mon grand-père quand elle a été arrêtée à son domicile parisien, au 77, rue de Charonne, le 16 juillet 1942, et déportée, le 16 septembre de la même année, dans le convoi n° 33. Vous pouvez voir sa photo en pleine page dans le Mémorial des enfants juifs déportés de France (Serge Klarsfeld, p. 651). Elle a rejoint le million et demi d’enfants juifs assassinés par les nazis et cela avec la complicité de la police française du gouvernement de Vichy.
Cette autre Hélène m’a accompagnée toute ma vie et en particulier dans mon enfance. J’étais moi, mais aussi elle. J’ai essayé d’imaginer son dramatique parcours quand mon grand-père l’a perdue dans le Vélodrome d’hiver.
Oui, je l’ai suivie jusqu’à son dernier voyage au cœur des flammes d’Auschwitz, je n’avais pas le choix, j’étais captive de cette autre Hélène, je la voyais à chaque instant dans le regard de mon grand-père qui m’a élevée. Alors je vous le dis, Monsieur le Président, n’infligez pas cela à un autre enfant dont ce n’est pas l’histoire. Je vous l’écris simplement avec toute la force de mon âme.
J’aurai tant voulu croire aux contes de fées, comme les autres, et non aux enfants cachés dans les caves parce qu’ils étaient juifs. Ne peuplez pas leurs nuits d’horribles cauchemars. Ne leur infligez pas le calvaire de la culpabilité pour une existence qui ne les concerne en rien. Ne les marquez pas, comme je l’ai été par cette étoile jaune indélébile que je porte encore dans mon cœur. Ne tatouez pas leur bras d’un numéro vert. Et surtout laissez ces enfants déportés en paix, ne les faites pas revivre une seconde fois à travers d’autres yeux qui ne les comprendront pas. C’était ailleurs, il y a longtemps. La mémoire de ces enfants n’est pas entre vos mains, Monsieur le Président.