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La faute grave de sarkozy

Publié le 27 février 2008 par Jpryf

Au delà du comportement, pour moi, maladif du président, il faut signaler le très grave comportement  qu'il vient d'avoir à propos de la décision du Conseil Constitutionnel. C'est extrémement grave car il a la charge de faire respecter la Constitution et, par démagogie, par populisme il tente de violer délibérement le texte fondamental. Quoi de plus grave? Ou il veut vraiment violer la Constitution et les principes et c'est très grave ou il n' y croit pas vraiment et c'est de la démagogie de bas niveau.

Je reproduis ci-dessous une analyse  compléte d'Olivier Duhamel, Professeur de droit, parue dans Libération d'aujourd'hui. Je serai curieux de savoir comment , mon ami Yves Urieta, analyse tout cela , s'il est encore fier d'avoir le soutien d'un tel Président et s'il ne regrette pas de lui avoir apporté sa caution.

Nicolas Sarkozy a eu raison de choisir comme terrain d’intervention publique le droit, la nouvelle loi sur la rétention de sûreté et les moyens de la mettre en œuvre après la décision du Conseil constitutionnel du 22 février. Il a eu raison de choisir ce domaine, parce qu’il relève par nature du domaine présidentiel. Les Français attendent de lui qu’il cesse d’être un candidat en campagne pour devenir un président en fonction. Qu’il cesse d’être ministre de tout pour devenir président de l’essentiel. Ils ne lui demandent pas des nouvelles de sa situation amoureuse, pas davantage de trancher le conflit des taxis, encore moins d’instaurer des obligations mémorielles à l’école primaire. Cette fois, donc, le Président ne s’est pas trompé de terrain. Mais il s’est trompé sur tout le reste, commettant trois erreurs et une faute.

Première erreur, la décision du Conseil constitutionnel aurait dû le combler. Le pouvoir en place ne pouvait guère espérer meilleur résultat. Il était en effet quasi inespéré que le juge constitutionnel accepte l’instauration de la possibilité d’un enfermement à vie après avoir purgé sa peine, sans avoir commis le moindre nouvel acte répréhensible, sans avoir fait preuve d’un comportement effectivement dangereux, pour soi ou pour autrui. Il l’a fait en estimant qu’un tel enfermement n’est «ni une peine, ni une sanction ayant le caractère d’une punition». A se demander ce qui serait une peine ou une sanction punitive. Et il était obligé de se livrer à cet audacieux déni de qualification, sans quoi la loi eût été contraire aux principes fondamentaux du droit pénal, consacrés dès la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : nul ne peut être puni s’il n’a commis un délit. Le chef de l’Etat aurait dû se réjouir d’un sophisme qui permettait à la loi par lui voulue d’entrer un jour, au moins partiellement, en vigueur.

Deuxième erreur, non content de s’offusquer de la décision du Conseil en son for intérieur, il fait part de son dépit. Et non content de s’en tenir là, il cherche le moyen de ne pas la respecter, et d’imposer quand même une application immédiate pleinement rétroactive, bien que le Conseil constitutionnel l’ait déclarée contraire à la Constitution. En mettant ainsi en cause une décision du juge constitutionnel suprême dans les vingt-quatre heures qui suivent son prononcé, le chef de l’Etat oublie (pour employer un euphémisme) l’article 62 de la Constitution, selon lequel «les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles». Il oublie également (autre litote) l’article 5 de notre loi fondamentale, qui dispose que «le président de la République veille au respect de la Constitution».

Troisième erreur, au lieu de demander discrètement au ministre de la Justice de rechercher d’autres solutions pour les criminels déjà condamnés, le chef de l’Etat s’adresse publiquement au premier président de la Cour de cassation. Ce faisant, il risque d’instituer ce dernier en juge constitutionnel supérieur du Conseil constitutionnel. En toute hypothèse, il oublie (pour poursuivre dans la modération) la suite de l’article 5, disposant qu’«il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics».

Ces trois erreurs relèvent donc d’une absence de lecture de la Constitution, ou, à tout le moins, d’une lecture des plus contestables de cette dernière. Elles sont donc fort regrettables de la part de la plus haute autorité politique de l’Etat, qui devrait la respecter et en inspirer le respect. Le plus probable reste cependant qu’elles demeurent sans suite grave du point de vue de l’Etat de droit. Si bienveillant soit-il à l’égard de son requérant, on imaginait mal le premier président de la Cour de cassation proposer d’ignorer ou de violer la décision du Conseil constitutionnel. Il s’y est d’ailleurs refusé.

Où l’on en vient à la faute, lourde de tous les dangers. Elle réside dans les justifications apportéespar le président de la République lui-même à sa démarche sans précédent. A savoir, le refus de laisser en liberté «des monstres», parce que «le devoir de précaution s’applique pour la nature. Il doit s’appliquer pour les victimes». Voici les grands mots lâchés, qui ne peuvent que susciter l’adhésion immédiate dans notre vidéocratie compassionnelle. «Monstres», «victimes», «précaution». Qui peut souhaiter de nouvelles monstruosités ? Qui peut accepter de nouvelles victimes ? Qui peut leur refuser toute précaution ?

Sauf que ce raisonnement correspond exactement à celui qui fut tenu des siècles durant pour justifier les pires supplices en place publique. Celui qui fut tenu, et l’est encore en certains pays, pour justifier le maintien de la peine de mort. Celui qui fut tenu, et l’est encore par certains gouvernements, pour justifier la torture à l’encontre de terroristes ou supposés tels. Placer un devoir de précaution au-dessus des principes constitutionnels, et le souci des victimes au-dessus de la non-rétroactivité de la loi pénale plus dure, c’est rompre avec plus de deux siècles de droit pénal civilisé. Voilà pourquoi il paraît légitime, par-delà toute préférence politique, d’y voir une triste combinaison entre le populisme pénal qui a dicté l’adoption d’une telle loi et le populisme constitutionnel qui veut l’appliquer par-delà les principes supérieurs de notre droit.

 

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