Liège, c'est ma ville. Liège c'est une ville comme une autre. Enfin,
les Liégeois pensent qu'elle est différente de toutes les autres. Tous les gens qui sont d'une ville pensent qu'elle est différente de toutes les autres.
A Liège, cette semaine, il y avait des jeunes qui passaient des examens, il y avait des vieux qui achetaient des cadeaux de Noël pour des jeunes pendant qu'ils passaient leurs examens, il y avait des jeunes qui, après leurs examens, achetaient des cadeaux pour des vieux, il y avaient des vendeurs et des vendeuses qui vendaient des cadeaux à des jeunes et des vieux. Il y avait du vent. Et puis, à midi, chaque jour, tout le monde prend le bus place Saint Lambert pour rentrer étudier et cacher les cadeaux.
Mardi, à Liège il y avait un tueur. Un type a tiré dans la foule, il a
blessé, massacré, même un bébé, et puis lui-même sans doute. On a parlé de Liège dans le monde entier comme on l'avait fait de Columbine, de la Norvège, de tous ces endroits où un jour un fou abat des gens qui n'avaient rien fait d'autre que d'être là.
Liège a son Kim de Gelder, son Anders Breivik, Liège est de son temps.
Une ville de son temps ni différente des autres ni comme les autres.
Que savez-vous de Liège ? Une ville du sud dans ce pays du nord dont on retient plus la chaleur des habitants que la beauté des banlieues. A Liège, il se dit qu'on fait toujours tout un peu plus fort que les autres, un peu autrement aussi. On l'a dit des grèves, on l'a dit des affaires, on le dit de la fête. C'est à Liège qu'un ministre d'Etat se fait assassiner, à Liège qu'on s'offre une gare que New-York trouverait un peu ostentatoire. C'est à Liège qu'on sort les terrasses de bistrot dès qu'il fait 10 degrés pour se la jouer italienne. C'est à Liège qu'on fête le 14 juillet au lieu du 21 parce que ça nous amuse de nous croire un peu Français. C'est à Liège que le village de Noël, les petits chalets en bois ou l'on vend des gaufres et des bougies, est plus grand qu'un vrai village. C'est à Liège qu'on fait la fête à toute occasion. Le vernissage d'une exposition - et je m'y connais - à Bruxelles commence à 18h15 s'il est annoncé à 18 h et, à 19, après quelques discours en deux langues et deux coupes de champagne, les plus épicuriens cherchent un restaurant. A Liège, annoncé à 18 h le discours de l'élu local se fera à 20h30 dans un brouhaha général et, vers minuit ou une heure, on se demandera offusqué comment il se fait qu'il n'y a plus rien à boire. J'exagère à peine.
Le Liégeois apprend dans « le Carré » à boire de tout en se tapant des grandes claques dans le dos, en embrassant ses potes et nos jolies filles ... et bien avant d'avoir l'âge de conduire !
Et puis une fête un peu diffuse, un peu virtuelle que l'on fait à Liège depuis quelques années c'est celle d'une ville qui se voit sortir de ses marasmes. Le Standard est deux fois champion. La ville construit un peu partout, elle se propose d'organiser l'exposition internationale de 2017... et chaque fois qu'elle veut applaudir une bonne nouvelle, le sort ou Lakshmi Mittal lui gâche la fête.
A Liège, il y a deux ans, à cent mètres de la place Saint Lambert, deux immeubles explosaient. Des morts, des blessés. Des hôpitaux débordés. Des images qui ont aussi fait le tour du monde. C'était juste après les fêtes.
Liège dorénavant aura peur des fêtes.