En juillet 2009, Laurent Jeanneau écrivait dans le magazine Alternatives Economiques : « (...) Gagner moins pour continuer à travailler ! A la faveur de la crise, la tentation de rogner sur les salaires se fait de plus en plus pressante. Fiches de paie tronquées,
rémunérations gelées, RTT supprimées… (...) Une pilule amère, que les entreprises tentent de faire avaler aux syndicats en invoquant la préservation de l'emploi (...) »
Or, en 2011, nous expliquent Le Monde et Les Echos, une idée forte pour l'emploi, défendue par Nicolas
Sarkozy ferait son chemin : « (...) le développement d'accords compétitivité-emploi, sur le modèle de l'Allemagne. Le principe : échanger temporairement des baisses de salaires et/ou de temps de travail contre une préservation de l'emploi (...) En clair, il s'agirait de permettre aux chefs
d'entreprise de négocier avec les représentants du personnel des accords (...) En échange d'une flexibilité accrue des salariés, ceux-ci obtiendraient des
garanties pour leur emploi ou des investissements. Ces accords s'imposeraient automatiquement aux salariés, sans nécessité de signer des avenants individuels au contrat de travail comme
actuellement (...) »
Il va de soi que cette idée est accueillie avec la plus grande bienveillance par le Medef et surtout l'UIMM dont l'un de
leurs représentants déclare : « Nous sommes prêts à avancer sur cette question qui s'inscrit dans notre réflexion plus large sur la compétitivité équitable » Pour la bonne raison que ce sont eux qui en sont les initiateurs !
Ce qui reviendrait à transformer les salariés en sorte « d'actionnaires » sans titre ni droit, si ce n'est celui de
participer aux pertes mais jamais au bénéfices. Où alors avec des montants indécents de 8 à 20 €, comme ceux de la prime dividendes
!
Quelle confiance peut-on accorder aux organisations patronales et au gouvernement tous deux promoteurs de cette «
voie d'avenir » ?
A priori aucune, dans la mesure où rien n'empêchera une baisse continue des salaires en fonction de la durée de la (ou des )
crise(s) et des impératifs de compétitivité. Car, à la moindre revendication d'augmentation de salaire ou d'amélioration des conditions de travail, on leur opposera : le coût trop élevé de la
main d’œuvre qui plombe la compétitivité de l’entreprise au niveau mondial !
D'où un abandon progressif mais définitif pour les salariés de l'idée d'un simple retour à leur salaire antérieur ou du
rétablissement d'acquis sociaux sacrifiés en échange du maintien dans l'emploi !
La CGT a raison de rapeller les engagements non tenus par plusieurs entreprises ayant eu recours à cette technique du «
Gagner moins pour continuer à travailler »
Le plus symbolique étant Continental : « (...) Une
majorité (52 %) des 2.500 employés des trois usines Continental Automotive du sud-ouest de la France ont voté pour le plan présenté par la direction de Continental (...) Pour mémoire, les 1 120
salariés de Continental de Clairoix avaient eux aussi accepté de revenir aux 40 heures et d’abandonner des primes pour sauver l’emploi sur le site. Quelques mois plus tard, en 2009, dans une
vague de colère sans précédent, les « Conti » avaient appris la décision de, finalement fermer le site »
On pourra aussi évoquer : « (...) General Motors, la société américaine avait raisonné en
ces termes. Au Mexique, la main-d’œuvre est de 14 % moins élevée qu’en France, alors si les Strasbourgeois voulaient retourner dans le giron américain, ils devaient faire un effort et baisser de
10 % le coût de leur main-d’oeuvre. Leur travail n’était pas mis en cause, ni la santé de l’entreprise qui était bénéficiaire, mais, leurs salaires étaient tout
simplement plus élevés que ceux pratiqués au Mexique (...) »
Deux exemples parmi tant d'autres, qui permettent de mettre en doute la sincérité des engagements revendiqués par les
organisations patronales et qui séduisent notre Président.
« (...) Dans un contexte de concurrence mondiale, pour garder nos industries et donc nos
emplois, serions-nous amenés à allonger notre temps de travail et à baisser nos salaires ? Sommes-nous à même de sortir gagnants de cette compétition ? (...) » Demande le site Emploi-pro, qui nous assène un exemple que n'aurait pas renié le
Medef.
« (...) Fin juillet 2008, Herbert Hainer, patron d’Adidas, avait estimé que, « en Chine,
les salaires, qui sont fixés par le gouvernement, sont progressivement devenus trop chers ». Une partie de la production du groupe allemand a, dès lors, été transférée au Laos, Cambodge, Vietnam,
considérés comme plus compétitifs (...) »
Alors, direz-vous, devant une possible détresse des actionnaires menacés ... de gagner moins, comment les salariés
pourraient-ils refuser de diminuer leurs salaires ? D'ailleurs, Xavier Bertrand totalement séduit par le concept affirme que la généralisation d'accords compétitivité-emploi : «
peuvent être une voie d'avenir »
Quel timing pour la mise en place de cette « voie d'avenir » ?
Dans l'immédiat, Nicolas Sarkozy et les organisations patronales reconnaissent que le projet à peu de chance d'être adopté
avant les élections présidentielles et législatives. Néanmoins, le message est clair : les salariés savent maintenant à quoi ressemblerait leur avenir, en cas de reconduction du Président
sortant, et de son actuelle majorité !
Slovar
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Plantu