[Feuilleton] Mont Ruflet d'Ivar Ch'Vavar - 12/41

Par Florence Trocmé

Mont-Ruflet 
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar 
12e épisode 
Résumé de l’épisode précédent : Alix s’aperçoit qu’elle porte sa grand-mère sur son dos. À une autre époque, c’est la grand-mère qui porte Alix, jusqu’à la table où le petit déjeuner est servi. Le soleil d’hiver les regarde avec envie par la fenêtre. 
 
R sa hanche, ici, et va touiller quelque chose là-bas. 
Et soleil (mais non c’est ‘Loïse), nous fait signe que 
Elle commence à peler ! Vous vous remuez un peu    
Les fesses, allez, allez, les filles, quoi,  ne me laissez 
Pas dans le froid... Z’aviez promis, que vous seriez 
Ponctuelles au moins ce coup-ci... Ça va, on arrive, 
On repousse sa chaise, là, et, d’un coin de serviette 
On s’essuie la bouche, on se frotte les doigts... Vite,     (580) 
On enfile les bottes, on passe les duffle-coats, allez, 
En route, mauvaise troupe ! De quel côté est-ce qu’ 
On va donc ? « Au bord du trou », répond Héloïse. 
Oui, je sais bien qu’on y est déjà,même accrochées 
Au cou de la vieille vous n’y plongerez que mieux, 
Mém’zelles, il n’y a rien à y faire... tout est si vieux 
Et la pente appelle. « Le bout est le bout ». Et nous, 
On va y aller voir, vous voulez ?  De plus près, rien 
Que pour s’y habituer, on va s’avancer jusqu’à l’ex 
Trême bord, et se pencher un peu. Oh ! je vous tien      (590) 
Drai bien la main. N’ayez crainte...Et puis on avan 
Cera en rampant, on regardera. C’est là que le bois 
S’arrête, vous connaissez (de loin).  Après c’est tout 
Le trou qu’on voit, il est là au bout, et déjà dessous, 
Il a creusé. La terre tient encore par les grosses raci 
Nes. On dirait un balcon la forêt, quand on se tient 
Là, en tout cas c’est l’effet que ça me fait, à moi. Et, 
On se prend à respirer, ça sent la terre arrachée, les 
Branches tordues et brisées... Et le trou, oui, le trou. 
On prend une inspiration, mais elle reste courte vu      (600) 
Qu’on est vautré : sans balustrade, sans le moindre 
Garde-corps ou garde-fou, on va pas rester debout, 
Et couché à plat-ventre, c’est vrai, on ne respire pas 
Très bien...Sous le « balcon » en question, qu’est-ce 
Que ça doit pendouiller, les racines et radicelles ; et, 
De ne plus rien trouver à pomper, que le vide, bien 
Trouiller aussi... Mais de toute façon, même loin du 
Bord, même par là loin derrière mon dos (je montre 
Avec mon pouce, poing fermé), jusque dans le fond 
Du bois, il y a (on le sent bien) une inquiétude géné      (610) 
Rale; comme un vent de panique, qui, plus ou moins 
Fort, souffle partout,  et s’il laisse en paix telle futaie 
À un moment, ou telle clairière, -  il va y revenir, né 
Céssairement. Et ce vent gonfle partout de blanches 
Manches à air, qui ne sont pas là (pur fantasme et fan 
Taisie, de l’esprit ;  mais on croit les voir),  vers midi, 
Et quand le soleil s’époumone et plombe.  Mais si la  
Nuit règne ou qu’il fait trop gris, alors, le vent bruit 
Crisse d’escarbilles et de mites blanches,  ou ce sont, 
Des flocons de suie peut-être, mais blancs... Comme      (620) 
Si on vannait feu et cendre. -  Et sautent partout cri 
Quets et grillons (blancs, ou gris pâle). Enfin, voilà... 
Nous-mêmes on est blême et tellement con, merde ! 
On n’est rien que des péquenots et des fins de race !

en raison d'une courte pause de Poezibao, prochain épisode le lundi 2 janvier 2012.