Le dilemme de Cantor

Publié le 22 décembre 2011 par Allo C'Est Fini

Mieux que de la science-fiction, voici la « fiction scientifique », un domaine dans lequel excelle Carl Djerassi, auteur du Dilemme de Cantor et co-inventeur de la pilule contraceptive.

J’ai découvert cet auteur étonnant à la lecture d’un article du supplément week-end du Monde qui lui était consacré, il y a quelques mois. Son parcours est étonnant: ayant fui le nazisme, il débarque aux Etats-Unis, fait de brillantes études, participe à la synthèse de la progestérone et fait fortune en achetant des actions de la société Syntex pour laquelle il a réalisé ces travaux.
Homme à femmes, Djerassi écrit une demi-douzaine de romans se déroulant dans un contexte scientifique. Le Dilemme de Cantor est le premier que j’ai tenu entre les mains. Il raconte l’historie – imaginaire, bien sûr – d’un directeur de recherche qui a une idée géniale sur la carcinogenèse, fait travailler son meilleur assistant sur une expérimentation permettant de prouver son hypothèse. La paire obtient quelques mois plus tard le prix Nobel pour ces travaux remarquables… mais le doute s’installe sur la validité scientifique de la découverte.

Je n’avais encore jamais lu de roman sur le milieu de la recherche scientifique et des Nobel, un milieu qu’apparemment Djerassi a côtoyé de près. Il y décrit ce qu’on retrouve chez tout groupe d’individus: pour réussir, le talent ne suffit pas, il faut une dose de chance, et surtout savoir la provoquer. Pour assouvir leurs petites ambitions, les chercheurs ne reculent devant rien, jusqu’à changer leur patronyme pour apparaître en tête des listes de co-auteurs.

Autre dévoilement particulièrement cruel, le petit jeu autour des nominations pour le Nobel: tout se déroule dans les semaines qui précèdent le 31 janvier: les Nobelisés antérieurs peuvent faire la promotion d’une personne de leur choix, et cette éventualité pousse les futurs candidats à une partie de séduction envers celles et ceux qui pourraient se faire l’intermédiaire auprès du comité. On est bien loin de tout ce que le prix Nobel évoque pour le commun des mortels…

En refermant ce libre, on sort un peu désabusé de ce milieu de la recherche, où finalement carriérisme et entrisme sont des vecteurs tout aussi puissants que le talent. Et on ne peut que se demander quel personnage incarnerait le mieux son auteur: le machiavélique Pr. Krauss? Le brillantissime Pr. Cantor? Le talentueux mais mal assuré Stafford? A moins que Djerassi ne se cache derrière l’un de sss personnages féminins…?