Titre : Bourdelle. Le visiteur du soir.
L'auteur : Bézian
l'Editeur : Paris musées
La date : 2010
La page/la case : case 2 p. 21
Le contexte :
Cela fait bien dix ans que Bézian avec le "Chien rouge" a su imposer un style moderne, racé, mature. Style qu'il avait juste ébauché avec ses albums typés "gothiques" des années 80 (Adam Sarlek..)
Aujourd'hui l'auteur a ça de superbe : cette habilité à produire des cases de toute beauté, aux traits secs mais si agréablement agencés, où les clairs obscurs dominent et forcent l'équilibre des planches. L'utilisation de deux ou trois couleurs simples par cases mettant au final cette technique superbement en valeur.
Son "Gardes fous" (Delcourt 2007, abordé sur ce blog) proposait déjà un récit fortement axé sur le milieu culturel (littéraire en l'occurrence), avec de belles références cinématographiques, et l'architecture était omniprésente grâce aux plans de la villa du huit clos dessinés par son frère.
On retrouve ici avec cette "visite" commanditée par les Musés de la ville de Paris l'art de mettre en scène les milieux artistiques et ce même amour des bâtiments et des structures. On remarque d'ailleurs de nombreux plans permettant de découvrir des détails d'arrière cours, rapprochant un petit peu en cela Bézian du travail rigoureux de l'autre dessinateur classique reconnu dans le genre : François Schuiten.
Ici, pas de dialogues "classiques" dans le sens "d'automatiques". Des bustes en plâtres philosophent entre eux, avec humour (et l'on pense alors très fort à Francis Masse), et les fantômes de Bourdelle, Rodin et Giacometti conversent sur la difficulté de création de leurs oeuvres respectives...nous offrant au passage quelques leçons d'Art...
Giacometti : - "Pourquoi cette vierge est-elle si grande ?
Bourdelle C'est mon amour pour le modèle qui m'a porté à la faire géante"
- Moi, mon amour pour les gens m'en fait chercher l'âme en faisant presque disparaître leurs corps..."
Le visiteur, ou plutôt sa silhouette, cet homme encapuchonné qui tente le diable* pour s'approcher de son maître, et arrive à ses fins.. c'est l'auteur, dont le souvenir lié à Bourdelle sert de trame à ce rêve éveillé.. cette plongée dans l'invisible, les recoins, le jardin d'un musée pas comme les autres; jusqu'à la chute finale.
...Un chef d'oeuvre magnifiquement sculpté,
et Bézian : une valeur vraiment sûre !
(*) Encore une référence cinématographique puisque "les visiteurs du soir" est justement une oeuvre classique liée au diable. (Marcel Carné, 1942.)