Peu importe de savoir si les arrangements musicaux de l’Opéra de Tchaikovski sont légitimes ou pas (la musique du ballet n’est pas celle du chef d’œuvre lyrique) ils collent suffisamment à la chorégraphie et permettent un canevas souple et efficace pas plus mauvais qu’un autre, au fond. Foin de ces polémiques un peu sottes, un jour c’est sûr un livret tiré de Super Mario enchantera les mélomanes et les exégètes pointilleux seront relégués au fin fond de bibliothèques endormies. Texte , hypertexte et prétexte ont bien peu d’importance au regard des magnifiques « pas de deux » que le sud africain John Cranko imagine pour Eugène . La bonne surprise de la soirée c’est la présence d’Evan Mac Kie, remplaçant surprise de Nicolas le Riche qui s’est blessé. L’élégance du danseur de Stutgartt n’est pas seulement de Muscadin. Il incarne le dandy péterserbourgeois avec un cynisme et une prestance qui oblige la grande Aurélie Dupont(Tatiana) à sortir de sa technicité(immense) pour exprimer une émotion sincère. Myriam Ould-Braham papillonne avec légèreté et grâce fragile aux bras d’un Josua Hoffalt(Lenski émouvant) remarquable lui aussi, dans les décors discrètement romantiques russes de Jürgen Rose . Eugène Oneguine (tiré de l’œuvre de Pouchkine qui en fit une sorte de figure nationale) est l’histoire d’une incompréhension amoureuse, de lettres échangées, d’un revirement , d’un aveu venu trop tôt …Quelques scènes de bal plus tard, après duel à l’aube , mort et remords c’est le drame … mais les corps qui résistent ou se donnent quelle belle matière pour un chorégraphe comme Cranko . Neumaier qui fut son élève, des années plus tard portera haut lui aussi l’aménagement subtil de ces corps à cœur( « La Dame aux camélias »). Eugène Onéguine qui fait partie du répertoire n’est pas un grand Ballet au sens strict mais un beau moment de danse et de dépaysement .