Seulement voilà. C’est aussi ça grandir. Passer du rock...

Publié le 21 décembre 2011 par Mmepastel

Seulement voilà. C’est aussi ça grandir. Passer du rock qui induit l’idée du collectif basique et basé sur la pulsation fédératrice à l’individualité d’une personnalité… Kate Bush et son Kick Inside viennent bousculer les trois jeunes filles.

Voici l’écoute du début de l’album… Un choc.

“Silence. Cri sauvage dans le lointain, hurlement animal dans les sous-bois profonds ou larsens de sirènes à l’approche des falaises ? Il semble aussi qu’il y ait du vent, encore du vent. ce sont des baleines, souffle Nina sans relever la tête, c’est le chant des baleines. Cavale du clavier maintenant, un ruissellement sombre, puis les guitares, la basse, la batterie. (…)

Voix. Un éclair dans le ciel de l’Ouest. Un son qui électrise l’espace. Le fractionne puis le colonise. Une vois perchée, aiguë. Une voix de fille, on le sait. Mais haute à ce point c’est une blague, un culot monstre celle-là, elle a dix-huit ans ? Lise s’est redressée sur les coudes. Ne s’y attendait pas. Rien ne cille, rien ne tremble dans la voix de Kate Bush, laquelle se déploie dans la chambre, portée par la fougue des timides et l’aplomb des filles qui sortent du bois pour la première fois, décrit des boucles invraisemblables, trace des arabesques vocales insensées en une ligne qui bientôt se dilate jusqu’à devenir l’espace même. Rien de la fragilité féminine enflée pour séduire, aucun éther, aucune vapeur, c’est solide et maîtrisé, irréductible comme du caillou -c’est une pierre noire et scintillante, c’est du mica. Tour de force et leçon d’art militaire : la fille qui chante, surjouant son genre, le déjoue, utilise son point faible de sexe faible, la petite voix, le filet d’or, le bijou du pendentif sur la gorge du rossignol, et s’en sert comme d’un levier pour se propulser hors du lieu où elle était assignée, attendue. La science du judoka. Ensuite elle file, elle tient la note, tient le temps. Plus loin, plus ample, plus brillant, plus tendu. Diamant sur microsillons, le disque tourne, l’aiguille trace, pénètre le coeur de la mélodie et l’espace vrille autour de nous.”

A-t-on jamais mieux parlé de la voix juvénile de Kate Bush et de la chanson qui ouvre son tout premier disque : Moving ?

Extrait 3 de Dans les rapides, Maylis de Kerangal.