Temple Tôdaiji Nara - construit entre 745 et 752
A la fin de la période Yamato, le Japon reste malgré des efforts de centralisation administrative très divisé en clans, ce qui a empêché développement de cités et de villes importantes. Plus que jamais sous inspiration de la Chine le Japon veut palier à ce manque en édifiant une métropole comparable à la capitale chinoise des T'ang, qui était probablement la plus grande citée de son temps – 1 million d'habitants concentrés sur un plan rectangulaire fortifié de 8km par 10km, avec de grandes avenues formant un damier et rejoignant le palais situé à l'extrême nord –. C'est donc à Nara, connue aujourd'hui comme la première capitale historique du pays (et aussi pour ses centaines de daims vivant en liberté), que sera construite une citée conçue selon les principes d'urbanisme chinois : plan rectangulaire de 5km sur 7km mais sans enceinte fortifiée. Cependant la population de l'archipel de l'époque était insuffisante en nombre, si bien qu'une partie de la citée ne fut jamais achevée . Certains temple de cette époque sont encore à ce jour debout, faisant d'eux parmi les plus vieux édifices en bois du monde. Ces palais sont l'une des raisons qui font aujourd'hui de Nara une des villes japonaises les plus riches historiquement/architecturalement. Le pouvoir ne resta que peu de temps à Nara. Dès 794 la construction d'une nouvelle métropole débuta à Heian (l'actuelle Kyôto), l'empereur souhaitant s'éloigner de l'emprise religieuse bouddhique devenue très forte à Nara. La nouvelle citée conservera la centralisation du pouvoir impérial jusqu'en 1868.Période de Heian (794 – 1185) [1/2] :
En 794 l'autorité administrative japonaise désormais établie à Heian peine à croitre vers la province. Bien que théoriquement tout soit étudié pour que chaque province soit contrôlée par des gouverneurs au service de la capitale, les problèmes de communication entre les divers états et cette dernière ainsi que les cultures ancestrales propres à chaque région entravent le bon fonctionnement administratif. S'ajoutent à ces problèmes le dédain des administrateurs régionaux à quitter la cour et son confort, les obligeant à déléguer leurs fonctions à des personnages plutôt particularistes. La somme de ces contraintes rendit impossible le contrôle de régions par le gouvernement central, rendant totalement inefficace toute la bureaucratie et le système complexe d'impôts et de gestion/partage des terres en dehors de la capitale et des ses alentours. Militairement les japonais s'inspirèrent sans grand succès de la Chine des T'ang. Le service militaire chinois effectué en lieu et place de l'impôt servait à repousser les tentatives d'invasion de leurs très longues frontières. Le Japon isolé ne connaissait pas d'invasion : les paysans en service militaire provenant des quelques régions sous contrôle impérial étaient le plus souvent réquisitionnés pour réaliser des travaux d'infrastructure.
Si sur le long terme l'influence chinoise sur les structures administratives et politiques étaient vouées à disparaître, celle en matières d'arts de religion et de littérature eux eurent un impact plus marqué et s'ancrèrent progressivement dans le fond culturel déjà existant. Du mélange des deux civilisations, une sensibilité nouvelle naquit. Depuis la promulgation de la religion bouddhique officielle, les magnifiques temples fleurirent, abritant des œuvres d'art pour part provenant du continent, pour part de production japonaise. Le savoir-faire manuel nippon a su s'adapter et transplanter les traditions artisanales chinoises pour se les réapproprier. La Chine a servi également de modèle à l'écriture japonaise. Son influence est cependant nettement moins bénéfique que celle des arts tant la langue japonaise n'a rien à voir avec le chinois. En effet le japonais est une langue agglutinante dont les mots sont essentiellement composés de polysyllabes et possédant beaucoup d'inflexions, ce qui rend sa transcription phonétique très simple – il y a d'ailleurs en japonais l'écriture rômaji qui est ni plus ni moins que sa transcription phonétique avec notre alphabet –. La construction du chinois par contre est diamétralement opposée et ne se prête aucunement à une transcription phonétique, ce qui mena à la création de l'écriture par kanji, avec comme principe de base un mot = un kanji. Bien entendu cela rend l'apprentissage très ardu puisque nécessitant de mémoriser des milliers de signes différents. Le prestige de toutes choses provenant du continent dissuada les japonais de chercher une écriture propre plus adaptée à leur langue. Ils empruntèrent donc au chinois leurs kanji qu'ils employèrent comme équivalents phonétiques à leurs syllabes. Ce système trouvait bien vite ses limites avec les particularités de la langue japonaise. Une fois passé l'écriture des noms ou de courts poèmes, l'utilisation du chinois courant devenait indispensable pour tous textes plus complexes. Le chinois était donc utilisé parallèlement notamment par les plus érudits, comme le latin en Europe médiévale. Grâce à l'écriture les japonais compilèrent leur histoire dans deux recueils le Nihongi et le Kojiki. Tous deux sont une mine d'or de renseignements sur le Japon d'après 400 après JC. Faits historiques véridiques ou basés sur des croyances orales transmises depuis l'époque primitive les deux volumes narrèrent pour la première fois l'histoire du Japon et de la famille impériale. Outre le fait qu'ils soient une source d'informations historiques privilégiée, ces deux recueils sont également célèbres pour avoir servi bien plus tard de « bible » aux ultranationalistes qui rêvaient de renouer avec un Japon perçu alors comme supérieur aux autres pays.
L'époque Heian était particulièrement riche, il y a énormément de choses à raconter, même en condensant un maximum. Si jusqu'au milieu du IXème siècle le Japon était totalement à l'école de la Chine, la tendance se modifia par la suite, amenant le pays du soleil levant sur la route de l'autonomie culturelle ; ce qui fera l'objet d'un autre article.