Inauguré le 6 mai dernier à Toulouse, le Sol Violette, la monnaie locale de la ville rose, clé d’une alternative démocratique intéressante va terminer sa période d’essai, la fin de son expérimentation étant programmée pour la fin de l’année. Retour sur cette phase de test et bilan.
Qu’est -ce que le sol ?
Le Sol Violette est une monnaie locale dédiée aux citoyens toulousains qui s’acquiert en convertissant ses euros dans une des deux banques suivantes, le Crédit coopératif et le Crédit Municipal, après l’adhésion de 15 euros à l’association Sol (dont les bénéfices vont à des associations de chômeurs). Trois valeurs de billets infalsifiables existent : 1,5 ou 10 € : un sol est équivalent à un euro. 22 000 sont actuellement en circulation pour plus de 600 adhérents. Un certain nombre de commerces agréés, tous secteurs confondus, acceptent cette monnaie. Ils peuvent à leur tour, dépenser leur Sol dans une enseigne solidaire. Attention, le sol ne s’économise pas. « Cette monnaie doit circuler, rappelle Jean-Paul Pla, conseiller délégué à l’économie sociale et solidaire. Si au bout d’un trimestre, on ne l’a pas dépensé, elle est dépréciée. On peut toujours la reconvertir en euros, mais en s’acquittant d’une taxe de 2 %. Ce n’est pas le but ». Une version numérique vient d’être lancée, qui permet d’avoir un porte-monnaie électronique via le téléphone portable.
À quoi sert cette monnaie ?
Expérimenté jusqu’à la fin de l’année, le sol à un rôle éthique. Le sol, projet national qui s’inscrit dans le projet européen Equal, veut ramener les échanges à une taille humaine et favoriser la production locale. Il ne remplace par l’euro, il est parallèle. « Le but est d’alimenter un fond dédié à la création d’entreprises solidaires ». Après un mois d’expérimentation, on se rendait déjà compte que toutes sortes de publics étaient curieux du sol : « Nous avons environ 35 % de public précaire, mais aussi des retraités et des professions libérales » déclarait l’élu. L’effet sol sert d’exemple, une trentaine de collectivités nous a contacté : Nantes, Brest, Perpignan, Bordeaux, Niort, Barcelone… L’objectif, poursuit Jean-Paul Pla est que nous soyons environ 7 000 dans cinq ans, ce qui permettait au sol de devenir autonome ».
Un bilan florissant et coloré
Un succès «inespéré» pour une monnaie complémentaire. En à peine 8 mois d’existence, la monnaie solidaire Sol Violette a fait le plein d’adeptes. «On a atteint les 650 solistes alors que l’objectif du projet était d’en avoir 150 en décembre, s’enthousiasme Jean-Paul Pla. Le travail effectué en amont pendant 18 mois avec les associations, les habitants et les entreprises partenaires a fini par payer. C’est parti beaucoup plus vite que prévu, explique l’élu. Le contexte économique y est sans doute pour quelque chose. Il y a un petit gain de 0,5 % de pouvoir d’achat puisque 20 €= 21 sols. Mais les solistes nous disent aussi qu’en utilisant cette monnaie locale ils ont l’impression d’être acteur d’une économie qui crée de la richesse dans leur région. Les gens ont compris que payer en sol était une démarche militante, qui permet également de mieux appréhender les mécanismes économiques et la crise ». La majorité des solistes sont des militants de l’économie sociale et solidaire, de tous âges. 25% des adhérents à cette monnaie sont des étudiants, des retraités, des chômeurs et des personnes en situation de précarité. Enora Le Mignon fait partie de ces nouveaux solistes qui veulent changer leur façon de consommer. «Le sol est garant du prestataire, et surtout de son éthique, argue cette jeune femme de 32 ans. En achetant en sol violette dans les magasins alimentaires bio, je sais que je consomme local et que les produits ne viennent pas de l’autre bout du monde. C’est un outil pour consommer plus intelligemment». Alors que la mairie espérait convaincre une trentaine de commerces à entrer dans le dispositif, on compte aujourd’hui 77 structures qui l’acceptent. Parmi ces dernières, la librairie Terra Nova, Net Sol Éco, coopérative de nettoyage, l’enseigne bio Biocoop. Depuis, le 14 juin, on peut même payer en Sol sa place de cinéma à Utopia Toulouse. Tisséo-SMTC, en accord avec l’EPIC Tisséo, propose de pouvoir acheter pour 5 sols, sans rendu de monnaie, deux titres de transport : le ticket Tribu et le Pass Journée. Des nouveaux partenaires – assurances, salles de spectacle, ou encore le Crous pour les étudiants – se présentent tous les jours.
Patrick Viveret, philosophe et ancien conseiller à la Cour des comptes, militant altermondialiste, est aussi à l’origine du projet sol à l’échelle nationale : “La crise financière se double d’une crise démocratique, nous n’avons plus le contrôle. Reprendre pied sur la monnaie, c’est reprendre pied sur le bien public. Mais le sol est aussi le prototype d’une solution à l’aggravation de la crise qui se profile.”
Résolument participative, cette expérience toulousaine permet ainsi aux solistes de devenir les consom’acteurs de leur ville rose. Modèle d’économie intelligent voué à se répandre ou expérience solidaire insoli(s)te et marginale ? Mon rêve est que l’économie solidaire remplace le système actuel », confie Jean-Paul Pla, les yeux brillants et le sourire aux lèvres.
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Sources : 20 Minutes, Rue89, La Dépêche