Enfant chéri du Medef, la rupture conventionnelle n'a pour l'instant fait l'objet d'aucune évaluation officielle. A défaut de bilan d'étape, on peut surtout constater son insolente croissance et ses effets pervers !
Nul n'a oublié la célèbre phrase de Laurence Parisot : « La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? » qui a été le prologue à la création de la « rupture amiable » finalement baptisée : rupture conventionnelle.
Il faut savoir que le Medef en est tellement satisfait, qu'il l'a fait figurer en toutes lettres, dans la rubrique : « Qui sommes Nous ? » de son site institutionnel : « (...) C’est le MEDEF qui a proposé la rupture conventionnelle du contrat de travail qui permet de réduire les contentieux judiciaires pour les entreprises, tout en apportant aux salariés de nouvelles garanties (...) »
Garanties qui se résument, au passage, au droit de bénéficier des indemnités de chômage versées par Pôle Emploi !
En Décembre 2010, le Medef publiait un communiqué tonitruant : « La rupture conventionnelle, deux ans après » dans lequel il se félicitait de l'application du concept de « séparabilité » transposée par la loi du 25 juin 2008 « portant modernisation du marché du travail » Il joignait à ce communiqué un argumentaire, dans lequel on pouvait lire, quelques morceaux de bravoure
Laurence Parisot : « Ce concept de séparabilité représente un acquis majeur pour tous. C'est une vraie bonne nouvelle pour l'embauche en France qui ainsi se modernise et se dynamise. Il marque aussi un progrès souhaitable vers l'égalité entre l'employeur et l'employé »
Cathy Kopp, chef de file de la délégation patronale pour la négociation modernisation du marché du travail : « L'accord « modernisation du marché du travail » ouvre une ère nouvelle pour les relations sociales et pour l'économie en France : il invente la flexisécurité française »
Et le Medef de hurler son bonheur : « (...) Près de 400.000 ruptures conventionnelles en 2 ans. La rupture conventionnelle du contrat de travail a connu une montée en charge spectaculaire depuis sa création, et un rythme constant sur 2010, avec une moyenne de 21.000 ruptures homologuées par mois »
Puis, en juillet 2011, alors que le chômage flambait, on apprenait que le nombre de ruptures conventionnelles avait atteint le nombre de 600 000 !
Or, nous disent Les Echos : « (...) A l'occasion de l'élaboration de l'agenda social cet automne, les partenaires sociaux avaient décidé de mener une évaluation du dispositif. Le sujet pourrait donc s'inviter à la table du sommet social le 18 janvier (...) Aucune étude n'a jusqu'ici évalué la part des ruptures initiées par les salariés, ni leur destin professionnel après cette rupture (...) »
En attendant que le Medef veuille bien, accepter une évaluation sérieuse de ce dispositif, qui a ouvert : « une ère nouvelle pour les relations sociales et pour l'économie en France » De très nombreux témoignages de salariés montrent que le dispositif est loin d'être idyllique !
Les sites Juritravail et Village-Justice par exemple, se font l'écho de moult exemples de ruptures conventionnelles retoquées par les juges prud’homaux pour des raisons parfaitement justifiées.
Mais on peut également trouver d'autres cas évoqués régulièrement par la presse écrite.
L'Humanité dans un article du 11 avril 2011 donnait une liste non exhaustive d'entreprises ayant utilisé le dispositif pour passer outre les obligations relevant d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou tout simplement pour se séparer d'un salarié trop vieux. Le journal faisait remarquer au passage que : « (...) 1 191 plans sociaux ont été comptabilisés pour l'ensemble de l'année 2010, contre 2 245 en 2009. Une réduction des PSE qui pourrait être expliquée, dans certains cas, par la montée en puissance de la rupture conventionnelle (...) »
Le Monde nous livrait il y a peu, quelques témoignages de lecteurs, dont certains avaient été contraint et forcé, d'accepter ce mode de licenciement, sous la pression de leurs entreprises.
On pourra aussi évoquer le cas de la Clinique de Lambersart, dont le maire est Marc-Philippe Daubresse, le secrétaire général adjoint de l'UMP, qui fermera ses portes au 31 décembre. A cette occasion, il n'y aurait pas de plan social : (...) mais la CFDT s'est rapprochée de la direction départementale du travail pour évoquer la multiplication de propositions individuelles de rupture conventionnelle de contrat de travail (...) »
Plus grave, encore, les révélations de la CGT Cognac, à la Charente Libre faisant état de l'utilisation de la rupture conventionnelle : « (...) Sur la vingtaine de dossiers de rupture conventionnelle qu'a traités la CGT de Cognac durant le dernier semestre, 90% sont motivés par des dépressions nerveuses (...) On craint que ces nouvelles méthodes de management s'accentuent en 2012 et qu'elles deviennent le nouveau mode de gestion des salariés »
Et quel est le prix de cette « flexisécurité française » ?
La CGT l'estime à 1,3 milliard. Mais précise que lors des dernières négociations sur la nouvelle convention d'assurance chômage, le Medef n'a pas voulu en entendre parler.
Alors, où en est-on de la progression du nombre de ruptures conventionnelles ?
« (...) les ruptures conventionnelles représentaient ainsi, à la mi-2011 et parmi les chômeurs indemnisés, 23,2 % des sorties de CDI. Les licenciements, qui représentaient la quasi-totalité des motifs de sortie de CDI à la mi-2006, n'en représentent désormais qu'un peu plus des deux tiers soit 67,8 % (...) » expliquent Les Echos
Quels sont, pourtant, les plus gros risques encourus, à terme, pour les salariés qui accepteraient une rupture conventionnelle ?
Tout d'abord, une possible modification de la durée d'indemnisation évoquée en novembre 2011, par Xavier Bertrand qui déclarait se poser la question : « des freins au retour à l'emploi » et envisageait : « la réintroduction d'une dégressivité des allocations chômage, incitative à la reprise d'emploi (...) »
D'autant qu'après Standard & Poors début décembre, on a appris hier que l'agence de notation Fitch a annoncé à son tour, avoir : « revu de stable à négative la perspective attachée à la note de neuf entités publiques françaises » dont l'UNEDIC. Bien malin qui pourrait dire, ce que les gestionnaires de l'UNEDIC décideraient, en terme d'indemnisation, si leur note était fortement dégradée ...
Il existe enfin un risque, mis en lumière par un jugement de la Cour d'appel de Nîmes, et sur lequel le Medef et les employeurs utilisateurs de la rupture conventionnelle, sont particulièrement silencieux : « Les assurances perte d'emploi contractés dans le cadre d'un prêt immobilier »
En effet, explique Comptanoo : « (...) si la rupture conventionnelle est assimilée à un licenciement économique en terme juridique et social, tant au regard des aides au reclassement et des allocations-chômage, les juges rappellent dans leurs attendus que « le contrat d'assurance garantit un risque susceptible de survenir qui doit être indépendant de la volonté des parties (...) » En clair précise L'Expansion : « Les salariés qui envisagent une rupture conventionnelle doivent donc être extrêmement attentifs à la rédaction de leur contrat d'assurance et s'assurer qu'il couvre bien ce mode de rupture du contrat de travail (...) »
Mais, dans la mesure où il n'y a aucune chance pour que le Medef, lors du sommet social du le 18 janvier 2012, renonce à cet outil « économique » de réduction des effectifs. Et, que le Président ne fera aucune pression dans ce sens sur l'organisations patronale. Tous les ingrédiens sont réunis pour que « l'aimable conversation de salon, aboutissant à une séparation amiable », ne devienne un « piège mortel » pour les salariés, à qui, crise aidant, on devrait de plus en plus proposer cette solution !
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