Rabelais allait mourir
Rabelais allait mourir ;un jeune curé, bienveillant, mais niais, lui apporta les derniers sacrements.Il sermonna l’agonisant, lui reprocha ses écarts et l’étourdit de questions.- Alors, mon frère, vous affirmez que vous croyez à la Rédemption, à la Résurrection de la chair et à la Sainte-Trinité…Et le pauvre mourant, à bout de forces, faisait « oui » de la tête.Son regard, déjà éteint, demandait grâce.- Et vous croyez à l’incarnation de Notre Seigneur ? continuait le prêtre en lui tendant l’hostie.Alors, une dernière lueur brilla dans les yeux malicieux de Rabelais.- Certes oui, répondit-il, et je vois en ce moment même, Notre Seigneur porté par un âne, comme le jour de son entrée à Jérusalem.
Si l’on consulte le Moniteur, après le départ de l’île d’Elbe, on y trouvera graduée la marche de napoléon vers Paris et les modifications que son approche produisait dans les opinions du journal. « L’anthropophage est sorti de son repaire…L’ogre de Corse vient de débarquer au golfe Juan…le tigre est arrivé à Gap…Le monstre a couché à Grenoble…Le tyran a traversé Lyon…L’usurpateur a été vu à soixante lieues de la capitale…Bonaparte sera demain sous nos remparts…L’empereur est arrivé à Fontainebleau…Sa Majesté impériale a fait son entrée hier au château des Tuileries au milieu de ses fidèles sujets. ».Et l’on ose reprocher aux journalistes de retourner leur veste.
Napoléon avait dîné chez un de ses maréchaux, en compagnon d’armes plutôt qu’en souverain.Après le repas, on apporta une table de jeu, et les cartes circulèrent jusque vers minuit.L’empereur se leva alors et s’avança pour prendre son chapeau qui était suspendu à une patère assez élevée.Comme la petite taille de l’empereur l’empêchait d’atteindre le célèbre bicorne, un officier d’état-major, homme de belle taille, s’empressa d’accourir.- Pardon, Sire, je suis plus grand que votre Majesté.L’empereur se retourna vivement, et regarda l’officier avec un sourire et un œil brillant de malice :- Vous voulez dire plus long, Monsieur.
On sait que l’empereur n’était pas tendre avec les fournisseurs.Il épluchait sévèrement leurs factures.Un jour qu’il étudiait les comptes de l’un d’eux, nommé Vollant, il releva la tête, regarda fixement le fournisseur.- Voilà un singulier nom, Monsieur, pour un fournisseur.- Sire, répondit celui-ci, je prendrai la liberté de vous faire remarquer que mon nom s’écrit avec deux L.- Eh bien ! Monsieur, répartit en souriant Napoléon, avec deux ailes, on n’en vole que mieux.
On raconte qu’Huysmans avait entrepris de convertir Anatole France.- il est affligeant de songer qu’un homme de votre intelligence sombre dans le matérialisme.Croyez –moi, vous devriez parler avec un prêtre.Bien vite, il verra clair en vous.Il vous révélera sur vous-même bien des choses que vous ignorez.Il analyserait…- Merci, mon cher ami, merci, coupa Anatole France.Mais comme un conseil en vaut un autre.Vous devriez faire analyser vos urines.
Alors que Porto-Riche était jeune et inconnu, un écrivain célèbre lui demanda son nom.- Je n’ai pas encore de nom, Monsieur, répondit Porto-Riche
C’était aux premiers jours d’août 1914.D’ Annunzio était arrêté sur le pont des Arts.Il prenait des notes.Un agent passa.L’œil inquisiteur du pandore remarqua le petit chapeau tyrolien du poète et sa pèlerine verte. On voyait alors des espions partout.- Quel est votre nom ? demanda le commissaire- Gabriele d’Annunzio, Monsieur le commissaire.Voici mes papiers.Le commissaire, très gêné de cet incident, se tourna vers l’agent et le réprimanda.- Triple idiot.Vous arrêtez le plus célèbre homme de lettres de notre époque, et, plus grave, un grand ami de la France.- Cela doit être une vengeance, remarqua le poète.- Une vengeance ? s’étonna le commissaire.- Oui, Monsieur le commissaire.Je pense que cet agent devait être de service à la première de la Pisanella.
J’aime, disait Antoine, à faire jouer de temps en temps un grand rôle par une petite bonne femme inconnue.Ça fait pisser les autres !
Pendant la guerre de 1870, Georges Clemenceau, qui avait alors trente ans, ne porta pas les armes, mais fut maire de Montmartre.En 1918, Clemenceau autorisa les soldats de la territoriale à solliciter des sursis d’appel.Robert de Jouvenel remplit le formulaire de demande et dans la colonne « Emploi que l’homme désire recevoir à l’intérieur », il écrivit : « Maire de Montmartre ».
Buloz, le fondateur de la Revue des deux Mondes, était borgne.C’est sur lui qu’Henri Murger fit un jour cette épitaphe :
« Quand Buloz au tombeau sera prêt de descendre,Rien ne pourra le retarder :Il n’aura qu’un œil à fermerEt pas d’esprit à rendre. »