Tout juste trois lignes dans le Petit Larousse, 670.000 habitants dont 230.000 dans la capitale et une seule précision, limitée à un mot, «pétrole». Mais suffisamment d’ambition et de savoir-faire pour mettre sur pied une grande compagnie aérienne, Etihad Airways, créée il y a moins de 10 ans, qui jongle avec la 6e liberté. Et prend une participation de 29% dans Air Berlin, «dans le cadre d’un vaste partenariat stratégique». Une information qui nous rappelle, si besoin est, que le centre de gravité du transport aérien glisse lentement mais sûrement vers le Golfe persique.
Etihad entre en scène juste à temps pour sortir Air Berlin d’un mauvais pas : ses résultats financiers sont mauvais depuis plusieurs années et son modèle économique ne résiste plus à l’analyse critique. Bien que l’équipe dirigeante s’en défende, Air Berlin est une compagnie hybride, à mi-chemin entre low-cost et entreprise traditionnelle, qui maintient une image construite sur de petits prix qui ne correspondent que partiellement à la réalité. De plus, depuis longtemps, ses ambitions ne sont plus limitées à un réseau court-courrier.
Air Berlin va maintenant aborder une nouvelle vie, étonnante, inattendue, passerelle entre le Golfe et le cœur de l’Europe. La voici adossée à une entreprise bien menée, bien décidée à trouver sa voie, et qui commence à compter : 7 millions de passagers en 2010, une flotte de 67 avions et 100 autres en commande, dont une dizaine d’A380, 82 escales et une équipe résolument internationale.
James Hogan, directeur général, mène bien son affaire. Et il a trouvé un terrain d’entente avec le directeur général ad interim d’Air Berlin, Hartmut Mehdorn, forte personnalité très respectée dans le secteur aéronautique, issu de la mouvance de Dasa, puis pilier d’Airbus avant d’aborder d’autres secteurs, l’imprimerie tout d’abord, les chemins de fer allemands, ensuite. Revenu à l’aérien, le voici qui fait à nouveau œuvre utile sur son terrain de prédilection.
L’association Abu-Dhabi/Berlin s’inscrit dans l’air du temps en même temps qu’elle va permettre à Etihad de brûler les étapes. Air Berlin, qui a prévu d’adhérer l’année prochaine à l’alliance Oneworld (une manière comme une autre d’indiquer qu’elle n’est plus une «vraie» low cost) transporte environ 33 millions de passagers par an et se présente comme le numéro 2 du pavillon aérien allemand. Aussi la nouvelle association ne peut-elle qu’être très mal ressentie par Lufthansa, guère habituée à être contestée dans sa volonté mal dissimulée de maintenir sa suprématie à l’ancienne.
Certes, il de s’agit pas d’une fusion, mais c’est tout comme. Dans l’immédiat, Etihad va apporter à Air Berlin l’équivalent de 255 millions de dollars, un coup de pouce financier dont elle a grand besoin. Plusieurs lignes viennent d’être fermées, des avions provisoirement cloués au sol en attendant des jours meilleurs. La compagnie berlinoise va aussi renoncer à Dubaï, sa tête de pont dans le Golfe, et ouvrir une ligne vers Abu Dhabi, desservie en A330-200, renforçant ainsi la plate-forme de correspondances d’Etihad et illustrant l’ampleur de ses objectifs commerciaux. Et celle d’une région en pleine mutation aérienne.
Pierre Sparaco - AeroMorning