Je suis partie à la recherche de quelques photos symbolisant cette année 2011 pour répondre à l’appel de Corto, et je me suis finalement rappelée que tout au long de cette année, j’en avais, moi aussi fait, des images.
C’est l’avantage d’être journaliste, témoin de l’histoire.
En janvier 2011, je suis tombée dans une poubelle, j’ai enfilé une jambe entière dans une fausse sceptique (oui, c’est le côté glamour du métier), et j’ai découvert le Soudan ! Un pays, trop bien, des gens adorables, de la bonne bouffe et c’est assez surprenant de voir les différences entre les villes au nord et au sud, les gens aussi, leur physique. C’est comme si avant qu’ils le décident par un vote, il était déjà acté qu’ils vivaient dans deux pays différents.
Au Soudan, donc, en janvier, ils ont voté pour créer un nouvel état, le 193e mondial, au sud, faisant au passage n beau pied de nez à la communauté internationale puisque, seuls, comme des grands, ils ont remis en question les frontières tracées lors de la décolonisation. Soudan du Sud, capitale, Joba.
En mars 2011, c’est la Syrie qui s’est réveillée. Sur une vidéo publiée sur Youtube, on voyait en cette fin de mois, des gars sauter et scander « Al Jaz’ wa7dek wa7dek ! », Al Jaz, nous sommes seuls ! Les caméras, à cette époque, n’avaient pas encore quitté l’Egypte et les journalistes s’émerveillaient du coup d’état de l’armée. Pendant ce temps, des gens crevaient dans un insoutenable silence mondial.
Et puis les caméras sont parties en Syrie. Des gars ont aidé les gens à mieux se protéger et faire sortir de l’information. Ils aident toujours. On continue de crever en Syrie et de manifester à Damas.
Fin octobre, il faisait encore bon à Tunis. On se baladait en manches courtes, on courait dans tous les sens pour couvrir les élections, on prenait du son, on écrivait, on montait, on attendait des heures une conf de presse où on nous donnait les résultats de trois bureaux de vote… une grosse semaine de rush pour les journalistes mais un grand moment d’émotion pour les Tunisiens.
Ils ont parfois attendu plus de trois heures en plein soleil pour voter, les premiers arrivant avant 7h du matin devant les portes de l’école où ils s’apprêtaient à voter. Ils allaient voter avec leurs enfants, parce que c’est pour eux qu’ils le faisaient, ils allaient voter pour la première fois depuis trente ans, pour la plupart d’entre eux. Ils allaient voter et ne savaient parfois pas vraiment qui choisir, mais on s’en fout parce que maintenant, ils cogitent, ils écrivent la suite de l’histoire et personne n’ira leur voler ces lendemains.
Allez, comme je suis sympa, les photos Reuters pur l'année 2011 et la playlist des révolutions, à réécouter en boucle, bien entendi.