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Ne taxez pas le développement, cela ruine les pauvres

Publié le 21 décembre 2011 par Copeau @Contrepoints

Si l’on rend l’énergie chère, cela amène à la régression puisque les pays pauvres et les personnes vivant dans la pauvreté ne pourront tout simplement pas se l’offrir.

Par Willis Eschenbach

Ne taxez pas le développement, cela ruine les pauvres
Je lisais dernièrement un article intéressant, malheureusement bloqué par un système de paiement, intitulé « Detecting Novel Associations in Large Data Sets » par David N. Reshef et al. Il décrit une méthode subtile permettant de détecter les relations dans un ensemble de données. Leur méthode est appelée « MIC » pour Coefficient maximal d’information. Ce coefficient MIC mesure la force d’une association entre deux bases de données. Une valeur de 1 indique une association très rapprochée tandis qu’une valeur de 0 signifie un bruit aléatoire. Leur coefficient MIC surpasse les indicateurs traditionnels pour une série de relations complexes non linéaires, y compris sinusoïdales, circulaires et autre type de relations. Cela est dû au fait qu’il n’émet aucune hypothèse sur le type ou la forme de relation. Il s’agit d’une méthode tout à fait fascinante et dont je souhaite en savoir plus.

Un de leur test comprenait l’étude d’une relation dans un ensemble d’indicateurs globaux. Voici une liste de leurs résultats, triés par MIC.

Ne taxez pas le développement, cela ruine les pauvres

Figure 1 : Associations significatives comme indiquées par le coefficient d’information maximal. Traditionnellement, l’association serait mesurée par le coefficient Pearson.

La curiosité dans cette liste est le MIC de rang 3, l’association entre la consommation de pétrole par personne et le revenu par personne. Le rang de Pearson  pour celle-ci était de 207 alors que le rang MIC était de 3. Ainsi, j’étais particulièrement motivé à observer de plus près la question de l’énergie et du développement.

Pour procéder, j’ai utilisé « Gapminder World », un merveilleux outil en ligne pour visualiser des données. L’image 2 en donne un exemple. Il s’agit de la comparaison entre l’utilisation moyenne d’énergie et le revenu, tous deux par personne. Chaque pays est représenté par une « bulle » dans le diagramme.

Ne taxez pas le développement, cela ruine les pauvres

Figure 2 : Cartographie bullaire, par pays, de la consommation d’énergie par personne (ordonnée) face au revenu par personne (abscisse). Les axes sont logarithmiques. La taille de chaque bulle montre la production total d’énergie produite par ce pays. La couleur des bulles indique la production totale de pétrole par pays. L’unité de consommation d’énergie est la tonne d’équivalent pétrole par personne par an (Source).

Comme vous pouvez le constater, il existe une relation claire et étroite entre la consommation d’énergie et le revenu. Ce qui nous amène à une conclusion inévitable. On ne peut sortir de la pauvreté sans accès à une énergie à prix abordable.  L’image 3 ci-dessous nous offre quelques données avec une meilleure identification de quelques nations produisant de l’énergie.

Ne taxez pas le développement, cela ruine les pauvres

Figure 3 : Cartographie bullaire, par pays, de la consommation d’énergie par personne (ordonnée) face au revenu par personne (abscisse). Les axes sont logarithmiques. La taille de chaque bulle montre la production totale d’énergie produite par ce pays. La couleur des bulles indique la production totale de pétrole par pays. L’unité de consommation d’énergie est la tonne d’équivalent pétrole par personne par an.

La taille des bulles indique que les États-Unis et la Chine sont presque premiers ex-æquo en termes de production totale d’énergie. La Russie est troisième, l’Arabie Saoudite quatrième, et étonnamment à mes yeux, l’Inde cinquième. La couleur démontre que, pour la Russie et l’Arabie Saoudite, la majorité de l’énergie produite vient du pétrole (en rouge) alors que pour la Chine et les États-Unis, le charbon est une ressource majeure. L’énergie de l’Inde vient principalement du charbon.

La figure n°4 ci-dessous montre le même graphique mais de façon différente. Dans cette image, la taille des bulles est la production d’énergie par personne plutôt que la production totale d’énergie. Toutes les bulles se situent au même endroit mais ont changé de taille.

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Figure 4 : Cartographie bullaire, par pays, de la consommation d’énergie par personne (ordonnée) face au revenu par personne (abscisse). Les axes sont logarithmiques. La taille de chaque bulle montre la production totale d’énergie produite par personne. La couleur des bulles indique la production totale de pétrole par pays. L’unité de consommation d’énergie est la tonne d’équivalent pétrole par personne par an (Source).

On peut rapidement tirer des conclusions des figures 3 et 4. La première est qu’on n’a pas forcément besoin de produire beaucoup d’énergie que ce soit par personne ou au total pour avoir une économie industrielle moderne développée (beaucoup de petites bulles en haut à droite). Les Pays-Bas et le Japon en sont des exemples. La deuxième est que si vous avez une production d’énergie par personne importante, il est plus facile d’avoir un revenu par personne élevé (prépondérance de grosses bulles en haut à droite).

Le site Gapminder nous permet également d’étudier l’histoire des différents pays.Voici l’évolution de quelques pays à travers le temps. Les étiquettes indiquent le début de chaque entrée.

Ne taxez pas le développement, cela ruine les pauvres

Ne taxez pas le développement, cela ruine les pauvres

Figures 5 et 6. Même image que figure 3, mais montrant l’évolution de certains pays de 1971 à 2007. La taille de chaque bulle montre la production d’énergie par personne pour ce pays. La couleur des bulles indique la production totale de pétrole par pays. Le « tracé » indique les valeurs année par année. Les axes sont logarithmiques. Fig. 4 Source1 – Fig. 5 Source2.

Quelques commentaires sur les chiffres historiques. Primo, la direction que l’on souhaite voir prendre par son pays au fil du temps est vers le bas et vers la droite. Cela signifierait utiliser moins d’énergie en engrangeant plus d’argent. Généralement, presque personne ne parvient à se déplacer dans cette direction.

La mauvaise direction à prendre serait en haut à gauche. Cela voudrait dire : plus d’énergie utilisée en faisant moins d’argent. Cruellement, c’est la direction qu’a prise l’Arabie Saoudite ces dernières années.

Certains pays ont pris le mauvais quadrant : en bas à gauche. Là où l’on utilise moins d’énergie tout en faisant moins d’argent. La République Démocratique du Congo et le Zimbabwe l’ont fait. Mauvais signe. Cela signifie le « dé-développement » et cela implique généralement des problèmes d’un point de vue humain et d’un point de vue environnemental.

Cela nous laisse avec le quatrième quadrant, en haut à droite. Plus d’énergie et plus d’argent. Aussi appelé « développement », autrement dit, sortir de la pauvreté. S’enrichir suffisamment pour payer le luxe de protéger l’environnement.

Le jeu consiste à aller le plus possible vers la droite (gagner de l’argent) et le moins possible vers le haut (hausse de la consommation d’énergie). Ainsi, la position du Bangladesh n’est pas aussi bonne que celle de l’Inde durant les années 70 et 80 mais s’est légèrement améliorer dans la dernière décennie du graphique. À noter : l’Inde produit la majorité de son énergie du charbon.

La Russie s’est déplacée vers le bas et la gauche au début des années 90 mais s’est reprise depuis et a pratiquement doublé ses revenus sans augmenter son énergie. Curieusement, le revenu est retourné à son niveau de 1990 mais l’énergie utilisée est moindre. La situation est la même pour l’Ouzbékistan et de nombreux autres pays anciennement membres de l’empire soviétique. Pour leur mérite, ils se sont battus pour se remettre de la chute de l’empire soviétique et sont revenus à une politique plus efficace. Clairement, les Ouzbeks se sont dirigés vers le bas et la droite dans la dernière décennie et c’est cela, le Saint Graal du développement : produire plus avec moins d’énergie.

Les pauvres Saoudiens, au contraire, finissent par uniquement aller vers le haut (plus d’énergie utilisée pour produire le même revenu), et ont même perdu du terrain. Le Sénégal n’a, quant à lui, pas bougé du tout.

Le Japon, la Chine, le Mexique et l’Australie ont augmenté leur production d’énergie par personne durant cette période (taille de la bulle) tandis que les États-Unis et la Russie n’ont pas spécialement évolué. La production totale de pétrole pour les États-Unis a chuté (couleur de la bulle), tandis que pour la Chine, elle a augmenté. La production de pétrole russe a diminué puis s’est relevé.

Les États-Unis et la Grande Bretagne ont fait une drôle de chose. L’utilisation énergétique par personne pour chacun des pays en 2007 a été pratiquement la même qu’en 1979. Mais leur revenu à augmenter. Ces deux pays ont presque doublé leur revenu par personne, avec pratiquement aucune hausse d’utilisation de l’énergie par personne. Je ne suis pas sûr de ce qu’ils font exactement mais on devrait le trouver et le copier.

Conclusions et notes finales :

1. Le développement est l’énergie, et l’énergie est le développement. Bien que le rendement et la conservation peuvent aider, en général, il est nécessaire d’augmenter la consommation d’énergie afin d’augmenter suffisamment les revenus pour sortir de la pauvreté. Si l’on rend l’énergie chère, cela amène à la régression puisque les pays pauvres et les personnes vivant dans la pauvreté ne pourront tout simplement pas se l’offrir. Les taxes carbones, « cap-and-trade », ou autre taxes énergétiques sont un crime contre les habitants les moins favorisés de notre planète.

2. Les pays étendus  avec des coûts de transports plus importants utiliseront plus d’énergie par dollar de revenus que les petits pays.

3. À l’intérieur des limites du « nuage » de pays de la Figure 3, il est possible d’augmenter le rendement énergétique tout en augmentant les revenus en utilisant le même niveau d’énergie.

4. Les pays produisant beaucoup d’énergie ont tendance à plus la gaspiller que les pays en produisant peu.

5. Le meilleur endroit pour n’importe quel niveau de revenu est au plus bas niveau du « nuage » de pays ayant le même revenu. C’est le point où l’on trouve le meilleur rapport qualité/prix. La plupart des pays européens sont dans cette position. Les États-Unis et le Canada sont au milieu du nuage. Cependant, comme indiqué plus tôt, ils sont bien plus grands que les pays Européens.

6. La Chine, l’Inde et le Bangladesh ont à peu près le même revenu par habitant en 1971 – 700$ par an. La différence avec leur position actuelle est importante puisque le Bangladesh est à 1400$, l’Inde à 2600$ et la Chine à 6000$ par an.

7. Malheureusement, les données ne vont que jusque 2007. Il serait intéressant d’étudier la réduction entre la consommation d’énergie et le revenu après la crise financière mondiale.

8. Enfin, lorsque quelqu’un prononce le mot « technologie », beaucoup d’écologistes pensent à « bulldozers ». Il devrait plutôt penser « rendement énergétique ». À la fin de la journée, la technologie permet plus avec moins. La technologie est ce qui nous permet de consommer moins d’essence pour un kilomètre. Avec une combinaison de maitrise de l’énergie et d’avancées technologiques, les États-Unis et la Grande Bretagne sont capable de doubler leur revenu avec la même dépense énergétique. Cette poussée technologique est faite au profit de tous, y compris de l’environnement.

Note : Les sources liés sous chaque diagramme pointent vers les tableaux correspondants sur le site Gapminder, où vous pouvez jouer avec les variables ou étudier les histoires des pays autres que ceux dont j’ai fait la démonstration.

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Article repris depuis Watts Up With That? avec l’aimable autorisation de son auteur.

Traduction : Hélène Picq pour Contrepoints


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