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[Feuilleton] Mont Ruflet d'Ivar Ch'Vavar - 11/41

Par Florence Trocmé

Mont-Ruflet 
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar 
11e épisode 
Résumé de l’épisode précédent : Les villageois ramassent le bois mort dans la forêt. Alix se rend compte qu’ils appartiennent à une autre époque et qu’elle est pour eux une étrangère. Les hommes se livrent du reste à une pantomime qui ne laisse pas de provoquer chez elle un début de panique. 
 
Le droite (je la touche du menton, oui, en tournant 
La tête, pour mieux la voir). Qu’est-ce qu’elle fiche 
Là, je la tenais le long de ma cuisse, bon Dieu, je la 
Tenais ! le poète me l’avait tendue :  je la tenais par  
Le poignet ! Et voilà que sur mes coudes sont pliés    
Les creux poplités (JE RÊVE !) de grand-mère !  Et sa 
Voix, alors (pincez-moi, merde...) la voix de grand- 
Mère, éclate, haut juchée au-dessus de mes oreilles 
« J’te l’avais-t-il pas dit, ma p’tiote, que c’était tous 
Des obsédés sexuels ?... » 
                                                 Aux matins de l’hiver,   (530) 
La grand-mère  ne voulait pas que nos posions nos 
Pieds nus sur le sol glacé des chambres,  elle venait 
Nous chercher au lit  et nous emportait sur son dos 
Jusqu’à la salle où déjà le poêle ronflait ;  au-dessus 
Sur un fil de fer là tendu — elle avait mis nos chau 
Ssettes « à chauffer ». Debout sur le lit-cage, encore 
Tout ensommeillées ;  à nous frotter l’œil de l’index 
Et, avec grimaces tapoter... l’épi épais sur l’occiput, 
Nous attendions notre tour ; et quand c’était à moi, 
Je m’accrochais à son vieux cou à Frédégonde, et h      (540) 
Op ! je passais mes genoux dans ses coudes, j’avais 
Ma joue contre sa joue, et elle trottait ! J’avais cessé 
De protester depuis belle lurette : elle aimait ça ! et 
Pourquoi la contrarier? D’accord je fais vingt centi 
Mètres de plus qu’elle, alors drôle ça peut paraître, 
Mais si cela lui fait plaisir...et tant que personne ne 
Nous voit...voilà ça va. Grand-Man me dépose sur 
Une chaise, il me faut m’asseoir sans jamais jamais  
Ne serait-ce qu’effleurer le sol du pied.  Bientôt elle 
M’enfile les chaussettes  (toutes chaudes, sentant le      (550) 
Roussi) et mes pantoufles  (de sous le poêle sorties) 
et ouf ! je peux enfin toucher terre, glisser mes jam 
Bes sous la nappe... Et le lait fume, coloré d’un peu 
De café («Tu ne veux pas de chicorée, non?» Non ! 
Bien sûr) dans les grands bols peu décorés (damier 
Blanc et rouge). Je déplie ma serviette, et j’avise les 
Pots de myrtille ou de rhubarbe, dont, avec la poin 
Te d’un couteau, on vient juste d’ôter l’opercule de 
Parafine ; le beurre,  mais si on préfère le saindoux, 
Avec sel  et poivre,  et des tranches de pain longues      (560) 
Comme mon avant-bras. Et, par la fenêtre, le soleil 
Encore tout froid – vient regarder. Il bat la semelle, 
Il a enfoncé son bonnet sur ses yeux,  il a fourré ses 
Mains dans ses manches,  il gonfle les joues et d’un 
Coup de menton, nous salue ;  puis, il nous gratifie  
D’un clognon (un clin d’œil). Il regarde bien tout et 
Tout partout, dans la pièce,  le poêle et la gazinière, 
Les chaussettes  sèches sur leur fil de fer, la vapeur, 
La buée et la fumée, la table ronde à la nappe cirée 
Qui brille, et les bols,  les couteaux, les cuillères, les      (570) 
Tartines, les pots de confiture...  les allées et venues 
De grand-mère trotte-menu, qui tranche le pain su

prochain épisode vendredi 23 décembre - puis courte pause jusqu'au 2 janvier 


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