Si je m'appellais disons, John McEnroe, et que je voulais faire une carrière de pro en tennis, je changerais de nom.
Je ne crois pas que ce serait un affront à mes proches portant mon nom. Simplement que j'aurais l'impression d'usurper l'identité d'un autre dans le même domaine, et à la limite de semer la confusion et au pire, d'effacer les traces de l'autre qui porte le même nom que moi avec le même talent.
Une amie à moi avait comme amoureux il y a longtemps, un Martin Drainville. Ce Martin Drainville était un finissant de l'École Nationale de l'Humour. Il est devenu Martin Philippe. Son deuxième prénom je crois. Et je le comprend très bien. Il avait 20 ans et l'autre en avait le double. Il ne voulait pas être confondu.
Steve McQueen était un acteur viril des années 60/70. On le surnommait le King of cool. La gueule du dur, les yeux à faire craquer toutes les dames, les rôles de rough' n tough. Les films sales avec des poursuites et des cascades en voitures ou en moto, domaines où il était aussi un expert en privé, beaucoup de poussière, des balles de fusil et coups de poings à mains nues. Mon père était un grand fan de Steve McQueen. Je ne l'aurais pas été. Il ne faisait pratiquement que des films d'action (yawn) ou des films à vous faire pousser des wooooooouah! impressionnés. Ce ne sont pas le genre de choses qui m'impressionnent. Je ne crois pas avoir déjà vu un seul film le mettant en vedette. Moins par choix que parce que ça n'a tout simplement jamais adonné. Il faudrait toutefois que je vois enfin la version ciné du livre Papillon d'Henri Charrière dont j'avais tant aimé le récit pré-ado. Voilà peut-être le seul film de sa filmographie que j'aurais un jour envie de voir. McQueen est mort en 1980 d'un cancer sournois et précoce. Il avait tout juste 50 ans.
Un autre Steve McQueen, britannique celui-là et à la peau noire, avait alors à l'époque 11 ans. À 24 ans, il tournera quelques essais cinéma dont ce clin d'oeil à une scène de Buster Keaton. Il est aussi sculpteur, photographe, aritiste en arts visuels.
En 2006, il est en Irak en tant qu'"artiste de guerre" officiel. Il publiera des séries d'affiches qui sont en fait des timbres marqués du visage de soldats tombés au combat.
Deux ans plus tard il tourne le très remarqué Hunger mettant en vedette Michael Fassbender qui raconte les derniers jours de la grève de la faim de Bobby Sands en 1981 en Irlande. Le Festival de Cannes le récompense des grands honneurs pour une première réalisation.
Je suis allé voir, avec Marc Cassivi assis tout près, lundi le 11 décembre dernier au matin le dernier effort du réalisateur brittanique Steve McQueen, Shame.
Un film troublant.
Michael Fassbender est encore de l'aventure. Il est le dépendant sexuel que nous suivons dans une obssessivité tout à fait malsaine. Carey Mulligan (Fassbender, Mulligan, Sands, filière irlandaise...j'aime) est encore admirablement bonne. Elle m'avait épaté dans An Education, je l'avais trouvée très bien dans Wall Street:Money Never Sleeps et ici, dans le rôle de la soeur de Fassbender, dépendante affective elle aussi et tout aussi troublée, elle est encore fascinante. La musique de Harry Escott est magistrale et s'inscrit très bien comme un personnage. New York serait probablement le quatrième personnage le plus important. Le sexe est partout dans ce film. Une sexualité brute au parfum de film de Patrice Chéreau. Une scène de jogging nocturne au coeur de Manhattan est tout à fait délicieuse et donne envie d'y habiter.
Le film est tout sauf joyeux. Mais le cinéaste est tout de même inspirant. Les acteurs y sont sensationnels. La lumière, exquise. New York: magique. Le sexe: toxique. Pas nécessairement joli. Dévastateur. Rongeur de sens.
Le personnage de Michael Fassbender est l'homme le plus seul au monde. C'est un film triste mais un film drôlement intérressant tout de même.
Ce qui m'intéresse encore plus c'est que McQueen est l'homme qui est attaché au projet de film sur la vie tumultueuse de Fela Kuti.
Je serai aux première loges pour ce film là c'est certain.
McQueen, you can be king.