La France a peur. De perdre son triple A, de voir exploser l’euro, de perdre les aides d’État, de constater l’envol de sa facture de gaz et d’électricité, de payer tous ses gadgets électroniques jusqu’à 50% plus cher si le franc revient… Et de changer de président.
L’actuel ne plaît guère mais il est là, à la manœuvre, se démenant dans la crise. Les autres paraissent bien mous ou bien démagogues… Évidemment, la tentation de sortir les sortants est grande parce que le salaire réel baisse, que la crainte du chômage croît et que la retraite et la santé reculent. C’est ce qui est arrivé aux gouvernants anglais, grec, espagnol, japonais et qui arrivera peut-être à l’allemand l’an prochain. Pourquoi Sarkozy et l’UMP y échapperaient-ils ? Jadis on mettait à mort le roi sous lequel une catastrophe s’était produite : il n’avait pas la faveur des dieux. D’autant que le nôtre avait beaucoup promis, de bonnes choses de bon sens comme le populo le comprend et qu’aiment les classes moyennes : travailler plus pour gagner plus, sévir contre les profiteurs et les parasites, faire baisser l’intervention d’État au profit de l’autonomie des acteurs et d’un meilleur financement social, casser les privilèges des preneurs d’otages syndiqués pour rétablir un vrai service public, relancer l’investissement public d’avenir, distribuer mieux les fruits de la croissance. Tout ce que les Jospin-Chirac avaient laissé aller.
Mais le poids des inerties s’est ajouté à la crise pour réduire la volonté à quelques mesurettes. Baisser les impôts est intelligent si l’État recule en s’informatisant, se réorganisant, supprimant ces niveaux hiérarchiques obsolètes – mais tout cela se heurte aux lobbies locaux, élus et parlementaires ; l’autonomie des universités ne fait plus guère débat, sauf qu’on ne s’improvise pas administrateur ; le grand emprunt s’est réduit, loin des enjeux initiaux, bien qu’il existe encore ; le syndicat des taxis et celui des transports ont fait capoter ce qu’il y pouvait y avoir de « service » dans la réforme publique ; les comptes syndicaux restent tout aussi obscurs et des « affaires » régulières surgissent où l’on voit que certains s’en mettent plein les poches ; tandis que dans les banques, les grandes entreprises et chez les détenteurs de très gros patrimoines, les bonus flambent et la contribution aux impôts diminue.
L’image s’est quelque peu écornée de chef qui tranche, de capitaine qui dirige le navire dans la tempête, de rassembleur des énergies. La personnalité de Nicolas Sarkozy ne fait plus rêver, si jamais elle le fit. Ni au centre qui le trouve trop personnel et trop esbrouffe, ni à la droite extrême qui le trouve trop enclin au compromis, assujetti aux puissances d’argent et à la remorque de l’Allemagne. Si l’on peut imaginer qu’un mélenchoniste pourra voter Hollande, il est moins probable aujourd’hui qu’un FN ira voter Sarkozy. S’en tenir à l’UMP seule, tiraillée entre courants, c’est peut-être faire le plein au premier tour mais échouer au second.
Restent qui ? Eh bien les populistes, bien sûr ! Dans la ligne Pétain-Marchais : Le Pen, Mélenchon, Bayrou… Le souverainisme et l’« achetez français » est populiste, flattant la grasse xénophobie tapie au fond de tout aigri replié sur lui et ses petits potes. Même les zécolos sont pour le panier « bio » produit à la ferme d’à côté. Quand vous habitez Paris ou une grande ville, bonjour le sport ! Faites-vous comme Thierry Lhermitte qui, chaque week-end, prend son vélo et sa petite remorque pour aller faire ses provisions à la campagne ? Trois heures de vélo le matin, trois heures le soir, tout ça pour quelques carottes et fanes de légumes « oubliés » mais évidemment français-bio-de-saison. Pour le reste, et le tout-venant des ménages, acheter français est (sauf quelques exceptions comme le savon de Marseille, le livre de poche et certaines autos) la certitude de payer plus cher en plus ringard. Et de ne jamais acheter de téléphone mobile, d’ordinateur ni de lecteur MP3.
Laissons donc les extrêmes. Marine ira probablement plus loin que son père au premier tour, mais ne pourra jamais l’emporter que si l’UMP consent à des alliances sur le terrain, ce qui paraît exclu pour l’instant. Mélenchon attire par sa grande gueule mais repousse pour la même raison – il a une cote de popularité aussi forte que Villepin, c’est dire ! Marine Le Pen en Jeanne d’Arc, devant la statue du Commandeur Jean-Marie toujours présent, attire plus « le peuple » que le gauchisme Mélenchon version Robespierre, n’en déplaise aux petits zintellos. Les Verts n’attirent pas plus depuis qu’Hulot et Cohn-Bendit se sont éloignés, errant entre la version procureur et la version gauchisme blablateur, bien loin de la vraie politique.
Donc Bayrou.
François Bayrou pourrait bien, cette fois-ci, incarner ce rôle que ni Sarkozy ni Hollande n’apparaissent capables de jouer. Ce n’est pas que cela me plaise, c’est une analyse à froid des tendances.
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