A la suite du retrait américain d'Irak, et après avoir lu cet article, un correspondant (PLL, merci à lui) m'envoie une interrogation, et je devine déjà qu'elle suscitera l'enthousiasme de Jean Phi Immarigeon et les rétorques de Laurent Henninger : Au fond, les Américains ont-ils réellement gagné une victoire dans l'histoire militaire ?
O. Kempf
PLL :
Ce qui m’amène à me poser une question: est-ce que les Américains ont gagné une seule fois depuis 1945?
Et de là, j'arrive à une autre question qui trouve son écho dans le livre de Liddel Hart "Les généraux Allemands parlent" (fiche de lecture): est-ce que sont les Américains qui ont gagnés 1945 où les Allemands qui ont perdus?
En gestion qualité, on dit souvent que le pire n'est pas de rater. Le pire c'est de réussir sans savoir pourquoi. Car là, on est "super contents", et on va "mettre le paquet" pour en fin de compte échouer lamentablement...
Débarquement le 6 juin 1944. Libération de Rennes le 4 aout 1944. Arromanche -> Rennes? 200km....
La machine de guerre Américaine, avec ses milliers d'hommes, d'avions, de chars, de matériel en tout genre a mis 2 mois pour faire 200km alors qu'en face le Mur de l'Atlantique n'est pas fini, que les réserves de Panzer sont à des centaines de kilomètres et que les délires d'Hitler enlise une grande partie de l'armée sur le front l'Est.
Le résultat ne serait-il pas une simple illusion? En fait, les Américains ont-ils gagné par la puissance matériel ou ont-ils gagnés parce que les Allemands n'y croyaient plus? Or, à croire que l'on a gagné d'une certaine manière, on va en arriver à penser que c'est LA solution. On en arrive à penser qu'il va suffir de tapisser le Vietnam avec du napalm et le tour sera joué. Idem pour l’Afghanistan et l'Irak.
Je note aussi que dans son livre "La discorde chez l'ennemi", De Gaulle prend plus de recul sur Moltke que le Général Desportes dans "Décider dans l'incertitude". L'avis du Général Desportes, c'est que Moltke est un grand chef qui a commandé "par objectif" contre les Autrichiens (1866) puis contre les Français (1870) et que "ça marche". Le Général Desportes semblent considérer l'échec de Von Kluck (1914) comme une simple erreur. A l'inverse, De Gaulle me semble plus lucide: Moltke sait, au fond de lui même, qu'il faut laisser de l'initiative. Mais il ne sait pas comment l'expliquer car ses généraux n'ont pas été formés dans cet esprit. L'état major Allemand confond donc le commandement par objectif avec "faites comme vous voulez".
La réussite de l'attaque contre les Autrichiens en 1866, fait croire que "ça marche". Et Moltke poursuit dans cet esprit en 1870 contre les Français. A nouveau, cela semble fonctionner. Mais il me semble que nous sommes dans le pire cas: ça marche, mais dans le fond, on ne sait pas trop pourquoi. Ce que fait Von Kluck en 1914 n'est pas de la désobéissance. Il ne fait que reproduire la même chose qu'en 1866 et 1870. Sauf qu'il reproduit une recette qui n'a fonctionné que par chance. Et en 1914, la malchance de Kluck se nomme Joffre. Mais Joffre aurait été là en 1866, la "méthode Moltke" aurait échouée. En tout cas, c'est mon avis.
Je pense donc que nous ne sommes pas là face à un problème de mode d'action, mais face à un problème de compréhension.
Le commandement par objectif, cela fonctionne. Mais à condition de former le personnel dans ce sens.
PL L