Parano

Publié le 20 décembre 2011 par Oz

Attention, paranoïaques s’abstenir. Les moins anxieux d’entre nous, ceux qui ne connaissent jamais le grand tourment du soupçon, qui ne sentent pas le vent coulis de la suspicion s’infiltrer doucement dans les interstices de leur existence, même ceux-là n’en sortiront peut-être pas indemnes. Fébrile, le chroniqueur y songeait en parcourant l’autre jour le site des archives nationales (http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/) et, en particulier, la balade radiophonique et visuelle à laquelle nous invite Franceculture.com (http://goo.gl/JeGFq). La visite virtuelle, en images et en sons, de l’exposition qui se tient actuellement, et jusqu’au 27 décembre, à l’hôtel de Soubise, à Paris. Intitulée « Fichés ? », elle retrace « l’histoire de l’identité citoyenne et du fichage policier en France ». Vous voyez où je veux en venir ?

Au début, je n’ai pas fait le rapprochement. Et puis, au détour d’une photo, le choc : ces portraits, ces fiches signalétiques, ces remarques, ces commentaires épinglés sur les panneaux… Oui, c’était bien cela : on aurait juré qu’il s’agissait d’un mur Facebook. Les images se sont accélérées, mélangées, cognées dans mon esprit. J’ai vu l’avocat général me pointer du doigt et hurler : « Accusé chroniqueur, levez-vous ! » Oui, monsieur le Procureur, je l’avoue, j’ai incité par chroniques interposées d’innocents internautes à remplir eux-mêmes leur propre fiche de renseignements, et à l’exposer aux yeux de tous. Coupable ! A moins que ce ne soit eux, ces visages d’espions et d’assassins qui me regardent étrangement depuis l’hôtel de Soubise, ces grimaces torves et ces sourires en coin, qui m’observent dorénavant à travers mon écran…

Je n’en pouvais plus, il fallait que je fasse quelque chose. Alors j’ai cherché, et j’ai trouvé www.cleanmywall.com pour effacer mon mur. Mais cela ne fonctionne plus. Comme par hasard. Je suis tombé sur Mangetamain.com (http://goo.gl/pLvxx), qui explique comment retrouver une personne quand on n’a que sa photo. Vous croyez que c’est une coïncidence ? J’en étais sûr, je suis coincé.

(Publié dans Le Monde daté du 3 novembre 2011)

Olivier Zilbertin