La démocratie, pourtant, a surtout fait jusqu’à présent la preuve de son
échec. Le monde qu’elle domine est toujours un monde de soumission, de
privations et de pauvreté. Le droit de vote est censé assumer à lui seul l’
expression de la volonté populaire : mais croit-on encore que quoi que ce
soit puisse changer grâce à des élections ?
À la dénonciation réactionnaire de la « pensée 68 », « Mort à la
démocratie » répond en associant une inscription murale du dernier mouvement
contre le CPE au fameux slogan de Mai : « Élections, piège à cons. » La
critique serrée et argumentée des différents modes de scrutin, des campagnes
en faveur de l’inscription sur les listes électorales aux fondements
théoriques mêmes de la démocratie – comme la fiction du « contrat social » –
apparaîtra aux yeux des défenseurs de l’ordre et de la loi comme un
véritable scandale : mais c’est la vérité qui est toujours scandaleuse.
Extrait:
« Le vote n’est pas une manière de s’exprimer. Le vote n’est pas une manière
de donner son opinion. Le vote est, par excellence, le moyen de faire fermer
sa gueule à ceux qui ont des choses à dire.... Il faut donc être clair :
cette majorité qui se serait affirmée dans les élections n’a en réalité
jamais eu droit à la parole. On ne lui a pas laissé le choix d’avoir le
choix. »
« Les abstentionnistes ne sont pas des abrutis dépourvus de sens critique.
Les abstentionnistes ne sont pas des égoïstes qui se désintéressent de tout
de qui ne se rapporte pas à leur petit horizon individuel. Les
abstentionnistes sont ceux qui font du processus électoral l’analyse la plus
juste. Considérer que voter ne sert à rien est tout simplement une évidence
: mais c’est une évidence à laquelle on est d’autant plus sensible qu’on est
quotidiennement écrasé par ce monde et qu’on ne possède pas d’autre
perspective que de végéter dans la misère ou de se faire exploiter à
longueur de journée. Ceux qui, au contraire, parviennent à se ménager une
petite vie acceptable, ou qu’ils considèrent comme telle, auront davantage
intérêt à faire comme s’ils croyaient encore au simulacre du vote, tout en
sachant, au fond d’eux-mêmes, très bien à quoi s’en tenir. »
Auteur: Léon de Mattis - Editeur: L'altiplano - Acheter ici