Quand souffle le vent du nord, de Daniel Glattauer

Par Litterature_et_chocolat @HeleneChoco

Des Liaisons dangereuses modernes, la saveur et le style en moins.

Un roman épistolaire des temps modernes, l’idée était intéressante. Un email qui s’égare, un échange qui s’instaure entre un homme et une femme : j’étais intriguée par la capacité qu’aurait (ou pas) l’auteur de transformer une histoire banale en un roman qui a séduit le jury du Prix des lecteurs du Livre de Poche. Ce vent du Nord tient malheureusement plus du courant d’air que de l’ouragan de bonheur littéraire.

RÉSUMÉ :

Emmi, souhaitant résilier son abonnement à un magazine, adresse par erreur ses emails à Leo. Ce dernier n’étant pas dénué d’humour et de répartie, il instaure un dialogue épistolaire avec cette femme inconnue qui ne manque pas de l’intriguer et de l’amuser.

MON AVIS : une lecture éphémère qui ne fait pas date.

Puisque l’éditeur nous dévoile l’issue de l’histoire sur la 4è de couverture, on suppose que l’intérêt du livre est ailleurs: le style peut-être? Les idées qu’y développe l’auteur? Des rebondissements inattendus dans l’intrigue? Las, rien de tout cela.

Les échanges de courriels donnent le ton: difficile de s’affranchir de l’écriture banale et fade généralement utilisée dans les échanges informatisés, a fortiori entre deux inconnus. Pour qui a en tête les succulentes Liaisons dangereuses, la déconvenue est sévère. Quant à l’histoire, elle ne recèle ni originalité (c’en est même frustrant) ni surprises. On peut même s’agacer des personnages caricaturaux: Emmi est une femme pressée, éduquée et mariée à un homme très tolérant, s’enflammant pour cet inconnu qui apporte un tel piment dans sa vie qu’elle en devient jalouse des femmes qui l’approchent; quant à Leo, il hérite du rôle de l’homme plein d’humour et de dérision, dont les propos fins et drôles font mouche, avec ce recul qu’on imagine bien chez ce trentenaire célibataire et intelligent.

A la lecture de Quand souffle le vent du Nord, on ne peut qu’être nostalgique du papier à lettre et du goût des timbres : quelle différence  entre les échanges épistolaires sur papier et sur écran! Il est en effet intéressant de constater que le support d’écriture influence fortement la profondeur des propos et l’intensité de l’intimité qui s’instaure entre les correspondants. Le papier incite à l’introspection, à la réflexion, on imagine des confidences subtilement dévoilées à la lueur d’une bougie et délivrées par un beau porte-plume; l’email, quant à lui, se rédige toutes lumières allumées, à l’aide d’un clavier impersonnel, sur un écran froid… quand il n’est pas écrit sur un smartphone dans les transports en commun. Souvenez-vous des lettres écrites à la main, qui donnaient parfois lieu à la rédaction d’un brouillon préalable dans lequel on traquait les fautes! Les courriels sont rédigés dans la précipitation, on s’y dévoile trop rapidement, on s’y enflamme, les malentendus sont légion. Quand souffle le vent du nord en est une parfaite illustration si toutefois nous en avions besoin…

JE VOUS LE CONSEILLE SI…

… vous partez en vacances prochainement : ce roman est tout à fait adapté à la sieste digestive, au repos de l’après-ski ou à quelques heures de farniente sur la plage.

EXTRAITS :

Les emails de Leo sont de loin les plus savoureux, et celui-ci est par ailleurs révélateur du langage utilisés dans ces échanges informatisés….

Bonjour Emmi! Quel sentiment merveilleux, après un épuisant séminaire à Bucarest, ville peu enchanteresse s’il en est, en cette saison qu’ils appellent là-bas perversement le printemps (tempêtes de neige, gel), quel sentiment merveilleux, donc, de revenir chez soi, d’allumer tout de suite son ordinateur, de trouver, dans l’enchevêtrement des 500 mails envoyés par des correspondants implacables pour vous faire part de nouvelles accessoires voire pitoyables, quatre mails de Mme Rothner, si appréciée pour sa maîtrise du langage, son style et ses programmes en plusieurs points, et, comme un ours du grésil roumain en voie de décongélation, de se réjouir de lire quelques phrases chaleureuses. Euphorique, on ouvre le premier mail et qu’est-ce qui saute à la figure? CONNARD! Merci pour l’accueil!

VOUS AIMEREZ PEUT-ÊTRE :

Le dernier stade de la soif,
de Frederik Exley Le linceul du vieux monde,
de Sébastien Rutés

 Un roman époustouflant et merveilleusement bien écrit De l’humour et un style absolument épatants