A l’approche des fêtes de Noel, une ONG chinoise dénonce les pratiques des usines de jouet sous-traitantes de multinationales comme Disney ou Mattel. En effet, la grande majorité des jouets vendus dans le monde sont fabriqués en Chine, et pourtant les droits fondamentaux des travailleurs ne sont pas respectés. De plus, l’ONG accuse l’ICTI (Conseil International des Industries du Jouet) de fausser les audits effectués dans ces usines.
- Un rapport de l’ONG SACOM dénonce les pratiques des usines de jouets chinoises
Noël approche à grand pas, et les ventes de jouets explosent. Le marché du jouet pèse 80 milliards de dollars au niveau mondial, pour 3 058 millions d’Euros en France. 70% des jouets vendus dans le monde sont fabriqués en Chine, et 4 000 usines, basées pour la plupart en Chine du Sud, travaillent pour des sous-traitants de Mattel ou Disney.
Ce sont donc 4 millions d’ouvriers chinois qui travaillent à la chaîne pour quelques centimes, au détriment de leurs droits fondamentaux, selon un rapport publié le 5 décembre dernier. Ce rapport a été publié par une ONG chinoise : SACOM, formée par des étudiants et universitaires contre les mauvais comportements des entreprises et partenaire de l’association Peuples Solidaires.
En 2001, un rapport du «Hong Kong Christian Industrial Comittee» avait déjà épinglé des entreprises comme Hasbro, Mac Donalds, Mattel et Disney pour les conditions de travail déplorables de leurs ouvriers. «Dix ans plus tard, rien n’a vraiment changé, malgré quelques améliorations minimes» déplore Debby Chan, chef de projet à la SACOM.
L’ONG a décidé de mener l’enquête sur le terrain après le suicide le 16 mai dernier d’une ouvrière d’un fournisseur de Mattel, Nianzhen Hu, sur son lieu de travail. L’enquête a été menée en partenariat avec l’organisation China Labor Watch. On peut aussi noter l’empoisonnement de deux ouvrières en 2010, le décès d’une autre en raison d’une machine vétuste et la présence d’enfants de 14 et 15 ans dans l’une des usines infiltrées.
Les entreprises pointées du doigt par l’ONG sont, entre autres, Mattel et Disney, qui ne font rien pour protéger les travailleurs de leurs sous-traitants chinois. Mattel, par exemple, commercialise trois poupées Barbie par seconde dans le monde, dont 80% sont fabriquées en Chine.
- Des audits remis en cause
Pourtant, les usines mises en cause sont certifiées par l’ICTI (Conseil International des Industries du Jouet) dans le cadre du programme «Care» pour une fabrication éthique des jouets. Mais selon la SACOM, ce n’est «qu’une combine pour couvrir l’exploitation des travailleurs chinois par les multinationales». L’ONG accuse les usines sous-traitantes de payer l’ICTI pour passer les audits.
Marie-Claude Hessler, ancienne juriste d’Amnesty International et actionnaire minoritaire de Mattel, ajoute : «Les inspecteurs de l’ICTI viennent d’Europe ou des Etats-Unis, sans vraie connaissance du terrain. Ils sont très faciles à leurrer. Et quand la Fédération fait appel à des compagnies d’audit externes, régulièrement, des usines se plaignent de la corruption des inspecteurs, qui leur réclament de l’argent contre une certification». Mais ce que déplore surtout Marie-Claude Hessler, c’est l’inaction des multinationales comme Mattel ou Disney qui se reposent sur l’ICTI au lieu de mener leurs propres vérifications.
- Des conditions de travail inacceptables
En enquêtant sur place, la SACOM s’est aperçu que la majorité des ouvrières sont des migrantes chinoises qui travaillent loin de leur famille. Elle a aussi constaté la violation d’un certain nombre de droits fondamentaux.
Pour assurer les commandes de Noël, les horaires de travail sont de 11 à 12h par jour, 6 jours sur 7. Le tout pour un salaire de 130 à 160 Euros mensuel. Les heures supplémentaires, obligatoires, peuvent aller jusqu’à 4 fois la limite légale, pour un salaire maximum de 300 Euros. Selon la SACOM, les salaires sont maintenus à un niveau très bas pour tenir les quotas de production.
Concernant les conditions de travail à proprement parler, la sécurité des salariés n’est pas assurée puisque il n’y a pas d’alarme incendie ou d’extincteurs, et les équipements ne sont pas adaptés à la manipulation de produits chimiques. A cela s’ajoute l’absence d’assurance sociale, un manque d’hygiène et la pression constante des superviseurs qui s’apparente à du harcèlement. On constate aussi des amendes punitives (pour se rendre aux toilettes sans autorisation par exemple).
Selon Debby Chan : «Les ouvriers, des femmes le plus souvent, sont harcelés et insultés en permanence par leurs patrons. Les cadences de travail sont excessives, il faut produire beaucoup en peu de temps. Il y a de graves négligences en matière de sécurité du travail. Les ouvrières utilisent des produits chimiques dangereux, des diluants, des colles, du plomb. Des masques chirurgicaux leur sont fournis, mais ils sont inefficaces pour les protéger des vapeurs toxiques. Récemment, deux ouvrières ont dû être hospitalisées, mais elles n’ont reçu aucune compensation de la part de leurs employeurs».
Dans l’usine On Tai Toys, sous-traitante pour Disney, les ouvriers manipulent des produits chimiques sans étiquettes, sans protection, et ils dorment dans des dortoirs envahis par les rats et les insectes.
- Avis Sequovia
L’industrie du jouet est toujours florissante, et l’une des seules qui subsiste à la crise. En effet, les ventes de jouets ne diminuent pas, surtout à l’approche des fêtes de Noël. Il est donc particulièrement difficile de s’attaquer à ce secteur. Mais l’action des ONG comme la SACOM ou les interventions de Marie-Claude Hessler à la direction de Mattel visent à faire réagir les multinationales face à ces violations des droits fondamentaux.
La difficulté pour des multinationales comme Disney réside dans leur capacité à pouvoir maîtriser l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement, la sous-traitance étant fortement sollicitée. Pourtant, ce sont elles qui peuvent avoir une influence sur les conditions de travail dans ces usines et qui doivent agir. Espérons donc que ce rapport de la SACOM pourra engendrer des réactions de leur part.
Des organismes tels qu’Ecovadis facilitent aujourd’hui les démarches des multinationales afin qu’elles soient en mesure de contrôler et de garantir le respect des droits de l’homme et du travail chez les sous-traitants et fournisseurs qu’elles sollicitent.