Quand j’ai commencé à voir fleurir dans les magazines la nouvelle campagne Vuitton, j’ai instantanément revu le défilé et les nombreuses images qui m’avaient alors submergés. Un étrange décor, entre la maison close et l’hôtel de luxe décadent où les mannequins évoluaient, sanglées dans du cuir, coiffées d’imposantes casquettes ornées de masques colorés ou menottées à leur sac. Un clin d’œil de Marc Jacobs, entre fétichisme et consommation.
Jusqu’aux ascenseurs ouvragés et leurs grooms énigmatiques, tout était là pour rappeler la sulfureuse atmosphère du film de Liliana Cavani, Portier de Nuit :
Vienne, 1957. Ancien officier SS, Max officie désormais comme portier de nuit dans un grand hôtel. Un soir, son regard croise celui de Lucia, femme d’un célèbre chef d’orchestre. Il reconnait tout de suite la jeune déportée qu’il avait prise pour maîtresse pendant la guerre. Ils plongent alors de nouveau dans une histoire charnelle et masochiste.
Sorti en 1974, le film fit scandale. Cependant, son esthétique marqua les esprits, notamment la célèbre scène où Charlotte Rampling (Lucia) chante, seins nus, devant un parterre de SS grimés. D’Helmut Newton à Lady Gaga, nombreux sont ceux qui se sont approprié les bretelles et les longs gants de cuir.
La citation est donc évidente chez Vuitton où le vestiaire masculin flirte avec un fétichisme sévère mais raffiné :
Les cols Claudine et les robes sages font alors leur apparition.
La soubrette dans tous ses états. Mystérieuse, inquiétante, désirable. On ne peut que penser au Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau adapté au cinéma par Luis Buñuel. Jeanne Moreau y tient le rôle de Célestine, femme de chambre chez de riches bourgeois et soumise à toutes leurs fantaisies.
Le fétichisme des petites bottines à cirer y tient une place de choix.
Pas étonnant alors de retrouver de hautes bottes et d’improbables laçages.
L’uniforme de tous les fantasmes. Une apparente sagesse qui invite à toutes les grivoiseries.
Malheureusement, la campagne actuelle semble avoir fait fi de tout érotisme et de toute subversion.
Jeunes femmes dociles alanguies sur la banquette arrière d’une voiture de collection. Petits chiens de compagnie. La symbolique fétichiste est adoucie, l’image est lisse, le tout manque singulièrement de caractère. Quel dommage…
Il nous reste la vidéo du défilé pour nous consoler :