En principe, Sami Yusuf ne devrait pas faire partie des sujets dont on traite dans ces billets. Certes il revendique haut et fort son identité musulmane mais il n'est pas arabe. D'origine azérie, né en 1970 en Iran et élevé à Londres, Sami Yusuf est distribué par Awakening, une société britannique avec une filiale étasusienne, qui vend en ligne des islamic commodities : cd, livres, posters, vêtements...
Tout naturellement, cette collaboration s'est prolongée sur le sol égyptien. Lorsque Sami Yusuf y a entamé sa carrière arabe en 2005, ses premiers plateaux télévisés ont eu pour cadre la très célèbre émission religieuse - sur une chaîne privée - de 'Amr Khaled. Et c'est la même compagnie, au nom directement inspiré des méthodes des télévangélistes US, "Good News for Me", qui gère le business des produits dérivés, à commencer par le lucratif commerce des CD.
A l'époque, ce qui ressemblait un peu trop à une campagne promotionnelle avait d'ailleurs suscité quelques remous et Sami Yusuf avait dû s'expliquer sur le sens d'une démarche (par exemple sur les antennes d'al-'Arabeyya) qui avait contre elle de trop bousculer les codes locaux, notamment en réduisant la scène égyptienne et arabe au statut de banlieue provinciale du show biz religieux planétaire ! Bien loin de vouloir passer pour un prédicateur ou même seulement un imam - ce sont ses termes -, il se considérait seulement comme un représentant de cette jeunesse issue "des sociétés orientales". Nul besoin d'argent dans sa carrière de chanteur, nul désir de gloire, précisait-il encore, mais uniquement l'envie de faire passer le message divin dans le monde actuel en montrant - et là il s'agit de notre interprétation - qu'on peut être musulman et moderne, jeune, beau et pieux...
Un point de vue qui trouve à l'évidence un écho dans le monde arabe et chez les musulmans, en tout cas auprès de ces classes montantes des bourgeoisies locales qui offrent à leurs enfants les meilleures universités anglophones, de plus en plus dans les antennes créées sur place, depuis un certain 11 septembre... Un islam fortuné et hype - les décors des clips de Sami Yusuf sont tout sauf misérabilistes - qui ne croit pas en l'action politique mais qui vante au contraire les vertus de la réussite individuelle laquelle, pour peu qu'elle soit morale, ne peut que bénéficier à l'ensemble de la société.
On a déjà évoqué dans un précédent billet cet "islam soft". Comme pour d'autres courants prétendument apolitiques, telles les pratiques quiétistes des confréries soufies, nombreux sont ceux qui, inquiets de la montée de l'islam politique, sont prêts à accorder une "bénédiction" fort intéressée à cette "positive islamic attitude".
Liens
- Des vidéoclips de Sami Yusuf en pagaille sur la Toile. Par exemple Al-Mu'allim avec Yusuf Sami en photographe friqué et profondément croyant, ou encore ce titre, Asma Allah (les noms de Dieu), qui décline, dans une atmosphère d'une blancheur virginale, les différents noms - sacrés - de Dieu en faisant défiler toute la diversité des visages de musulmans et de musulmanes (pas toutes voilées), races et âges confondus.
- Pour ce chanteur bien prudent sur le terrain de la politique, un entretien sur al-Jazeera où il évoque tout de même la Palestine..
- Le site de la société Awakening.
- Un article ancien (2004) dans Al-Ahram en français alors que la vedette faisait son apparition sur la scène arabe.Culture & Politique arabes