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Bonnes à tout faire dans le monde arabe (2/2) : étrangères et domestiques

Publié le 29 octobre 2007 par Gonzo
Amour partagé (dessin de presse marocain)
La présence, nuit et jour, de jeunes bonnes dans l'intimité des familles qui les emploient ne va pas sans créer toutes sortes de problèmes. Le quotidien électronique Elaph a ainsi publié récemment une enquête au titre racoleur : Le sexe, fonction secrète de la domestique dans le Golfe الجنس وظيفة سرية للخادمة في الخليج ). Tirant la sonnette d'alarme quant aux conséquences sur l'éducation des enfants livrés à des femmes étrangères, en majorité non musulmanes, peu éduquées et même analphabètes, l'article évoquait également, sans dire vraiment à qui en revenait la faute, les services sexuels rendus par ces bonnes à tout faire. Selon une statistique, reprise sur de nombreux forums internet féminins du Golfe, les "bonnes", qui pour les deux tiers d'entre elles n'ont pas 30 ans, accepteraient pour 59% d'entre elles selon les termes de l'enquête "d'entretenir des relations sexuelles avant le mariage"...
Toujours dans cet article, une sociologue des Emirats expliquait, non sans malice, que les maîtresses de maison veillent souvent à choisir des employées qu'elles considèrent moins attirantes qu'elles-mêmes, ce qui n'est pas toujours du goût de leur mari ! Un peu plus loin, M. Zayyât, spécialisé dans la fourniture de personnel de maison, indiquait que, pour les mêmes raisons, les Asiatiques ont la préférence des femmes alors que les hommes penchent davantage pour de "jolies Libanaises, chrétiennes de préférence, ou [au moins] des Marocaines" ! Il faut à l'évidence faire la part des fantasmes car il est proprement inimaginable que des Libanaises, de confession chrétienne qui plus est, travaillent dans les pays du Golfe pour de tels salaires, en tout cas pas pour ce type de services !
Néanmoins, le marché des tâches ménagères n'est pas totalement réservé aux étrangères et la contribution active d'une main-d'oeuvre domestique, ou plus exactement en provenance du monde arabe, est très souhaitée. Il suffit d'ailleurs de lancer une requête sur Google pour trouver rapidement des annonces rédigées dans un arabe pas toujours très assuré et accompagnées de portraits tels que celui qui figure ci-dessous :

السلام عليكم
جمعية متوفرة على يد عاملة جد مهمة لدينا فتيات مغربيات راغبات في العمل في احدى دول الخليج الى من يهمه الامر الاتصال بينا العرض جاد و مهم شكرا
Traduction : Que la paix soit sur vous ! Association disposant de main-d'oeuvre très importante [l'association]. Nous avons de jeunes Marocaines désireuses de travailler dans un pays du Golfe. Pour ceux que la question intéresse, contactez-nous. Offre sérieuse et importante.
Il ne s'agit pas toujours d'initiatives privées car certains Etats aimeraient bien développer des échanges entre populations sur une plus grande échelle. A la fin du mois de mai dernier, un protocole d'accord entre l'Egypte et l'Arabie saoudite a ainsi suscité de violentes réactions au Caire. Certainement animée de bonnes intentions, la ministre du Travail, Mme Aisha Abdel Hady, avait prévu avec ses homologues saoudiens l'envoi, sur une dizaine d'années, de quelque 120 000 "jeunes égyptiennes" (moins de 30 ans) pour travailler auprès des personnes âgées, dans les salons de coiffure et naturellement dans les maisons...
Certains en Egypte ont réagi avec humour, en publiant dans le bien nommé journal d'opposition الكرامة (La Dignité) une petite annonce pour embaucher une bonne saoudienne "anglophone et bien éduquée". Mais, en général, la nouvelle, comme le révèlent les commentaires accompagnant cet article en anglais, a surtout provoqué consternation et fureur. Moins à cause des salaires proposés, pourtant assez médiocres (800 rials, à peine 200 dollars) que pour défendre l'honneur national menacé par le sort probable de nombre de ces jeunes filles envoyées sans protection familiale derrière ces murs où elles auraient à travailler de jour comme de nuit...
Pourtant - heureusement oserait-on dire -, la sexualité hors mariage n'a pas nécessairement pour seul exutoire le secret des foyers domestiques. Les hôtels de luxe servent de lieu de rencontre pour la prostitution de haut vol. En Syrie, où l'on est moins hypocrite qu'ailleurs apparemment, la presse parle ouvertement de "prostitution 5 étoiles" (دعارة خمس نجوم في سورية). La clientèle moins fortunée trouve son plaisir ailleurs, notamment dans les salons de massage qui offrent des soins spéciaux même si la législation, souvent récente d'ailleurs, impose désormais une sévère séparation des sexes.
A Dubaï, l'année dernière, ce sont quelque 35 salons qui ont été sanctionnés pour avoir contrevenu à la loi faute, ont affirmé les gérants, de professionnels masculins en nombre suffisant ! La situation est pire encore en Jordanie où la presse parle de 45 établissements fermés dans le "Grand Amman" pour les seuls cinq premiers mois de l'année 2007 !
Et dans ce secteur d'activité également, la concurrence entre main-d'oeuvre étrangère et domestique est sévère. On parle de plus en plus de professionnelles chinoises entrées dans le monde arabe avec de simples visas touristiques... Leur présence dans la région mettra-t-elle en péril les quelque 35 000 Marocaines qui, à en croire Hespress (une publication électronique marocaine en arabe dont est tirée l'illustration de ce billet), exercent pour la plupart leurs talents "d'artiste" dans les clubs jordaniens ?
Cela paraît peu vraisemblable tant le Maroc, dont nos médias vantent le décollage économique à l'occasion de la visite de Nicolas Sarkozy, est un pays qui, même face à la compétition chinoise, reste très compétitif dans ce domaine. Selon une étude réalisée en 2005 par l'Unicef (citée dans un article en arabe d'Al-Arabeyya), 800 000 enfants - sur une population totale de 30 millions d'habitants - ne fréquentent pas l'école et 600 000 d'entre eux, entre 7 et 14 ans, travaillent. Même si le gouvernement marocain vient (enfin) d'adopter une législation réglementant le travail domestique, c'est bien le terreau sur lequel prospère le négoce des petites bonnes dont le savoir-faire et le dévouement sont tellement appréciés dans les autres pays arabes, plus favorisés économiquement.
Au point de faire dans nombre de pays arabes - voir par exemple cet article sur le site Elaph - du qualificatif de "marocaine" un synonyme de "prostituée". Juste retour des choses : dans le jargon professionnel de la prostitution maghrébine, un "saoudien", selon M.-E. Handman et J. Mossuz-Lavau (La prostitution à Paris, 2005), c'est un "client" !Culture & Politique arabes

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