"Elle finit par se plaire au singulier jeu de se balancer, à droite, à gauche, les genoux écartés, la taille roulant sur les reins, avec le frémissement continu d'une almée dansant la danse du ventre." É. ZOLA, Nana, 1880.
Francisation du mot 'âlima (عالمة : "savante", experte, en danse mais aussi en chansons et autres savoirs utiles en société), l'almée n'existe plus guère que dans les dictionnaires. Les almées d'aujourd'hui, on les trouve surtout dans les académies de danse orientale des pays... occidentaux ! Dans les cabarets du Caire et d'ailleurs, elles sont le plus souvent russes ou ukrainiennes... Depuis les années 1990 en effet, les danseuses d'Orient sont victimes d'une blonde concurrence étrangère qui, bien souvent, accepte de se produire pour des prix très largement inférieurs et dans des tenues encore plus suggestives.
A la fin de l'année 2005, les services officiels égyptens - la profession est réglementée en Egypte - dénombraient ainsi un peu moins de 500 professionnelles locales contre plusieurs centaines d'étrangères, illégales pour la plupart même si 150 d'entre elles étaient dûment enregistrées. En 2003, le ministère du Travail avait bien tenté de mettre un terme à cette invasion en interdisant aux étrangères la pratique de la danse orientale (voir cet article en arabe sur le site islam-online). Mais la mesure avait dû être levée, en septembre 2004, sous la pression des professionnels du tourisme en mal d'animatrices pour les soirées organisées à l'intention des touristes de passage !
Héritières d'une longue tradition savamment glosée par les auteurs de l'époque classique arabe mais aussi invention du regard orientaliste, les "danseuses du ventre" de la colonisation européenne restent au coeur de toutes les contradictions : femmes dévergondées, esclaves du plaisir des hommes, qui se vendent au pouvoir, elles sont également celles qui témoignent d'une liberté et d'une sexualité que les conventions sociales ne pourront jamais totalement réduire...
Le bel hommage posthume à "cette grande figure Nanaesque" adressé en 1999 par l'auteur de L'Orientalisme, Edward Said, lui-même décédé depuis, résonne dans un théâtre vide, déserté de ses danseuses.
("Hommage à Tahia Carioca", Courrier international, 10 novembre 1999)
Un peu de la mémoire de ce passé, malgré tout, sur cette charmante vidéo qui réunit les deux éternelles rivales, Samia Gamal et Tahia Carioca.
Et l'intégralité de l'hommage (en anglais) à Tahia Carioca écrit par E. Said en 1999.Culture & Politique arabes