En réalité, le keffieh est devenu un symbole politique bien avant que la revendication nationale palestinienne finisse par s'imposer sur la scène internationale grâce à la lutte armée. Dès 1936, la coiffure des paysans - par opposition aux tarbouches des effendis urbains - fut adoptée par l'ensemble des Palestiniens au cours de la lutte menée alors par un des pères de la résistance, cheikk Izeddine Qassâm (عزّ الدين القسّام) : il s'agissait, paraît-il, de permettre aux combattants de se fondre dans la masse de la population et de ne plus être repérés à cause de leur foulard.
Pourtant, à en croire Fred Halliday, l'histoire du keffieh relèverait de ce qu'un autre historien anglais, Eric Hobsbawm, a appelé une "tradition inventée" (comme de nombreux aspects de la célébration de Noël par exemple !) Dans un court mais très stimulant petit livre intitulé 100 myths about the Middle East, il affirme ainsi (p. 13) que le foulard devenu aujourd'hui l'emblème de l'identité palestinienne est de création récente. S'il existe depuis des siècles une industrie du textile spécialisée dans ce type de production, et notamment en Irak à Kufa (كوفة), ville qui lui aurait donné son nom, et si les paysans du Moyen-Orient portent sans doute depuis plus longtemps encore un morceau de tissu enroulé autour de la tête, ce motif, précisément, aurait été inspiré d'un modèle dessiné dans les années 1920 pour la célèbre Légion arabe par une société commerciale sans doute d'origine syrienne mais installée à... Manchester !
Est-ce parce qu'il est devenu un fétiche pour les boutiques de mode que le keffieh des luttes de libération cède la place, aujourd'hui, au foulard islamique ?
(Note au 12/01/08 : des infos sur le keffieh, et beaucoup d'autres choses plus intéressantes encore sur la culture arabe contemporaine, sur le blog en anglais de Ted Swedenburg. Voir aussi la liste des liens.)Culture & Politique arabes