Pour le comédien syrien Duraid Lahham, "les seuls dirigeants arabes capables de se mettre d'accord, ce sont les ministres de l'Intérieur". En fait, dès lors qu'il s'agit d'inventer de nouvelles formes de répression, les ministres de l'Information, eux aussi, peuvent faire l'effort de s'entendre...
Image (avec bonne synthèse en arabe
par Amira al-Tahâwi) : menassat.com
Un véritable tour de force quand on sait qu'un groupe d'experts a préparé en moins de six mois un document adopté au terme d'une heure à peine de discussions, lors d'une assemblée extraordinaire tenue la semaine dernière au Caire.
A une voix près, celle du Qatar, l'unanimité des Etats arabes aurait même pu être trouvée. Il faut dire que Doha, la "capitale d'un Etat nommé Al-Jazeera" selon la plaisanterie bien connue tirée du nom de la célèbre chaîne TV, n'a aucun intérêt à s'associer à ce document.
Proposé par les Egyptiens et les Saoudiens, il prétend mettre un terme aux excès (de liberté ?) d'un paysage satellitaire arabe constitué aujourd'hui de quelque 400 chaînes. Pour faire passer la pilule auprès de l'opinion, le document s'élève contre le monopole exercé par certaines chaînes cryptées (la chaîne privée saoudienne ART en fait) sur la retransmission de grands événements sportifs au premier rang desquels figurent les matchs de foot.
Ces bonnes intentions cachent mal une volonté de mise au pas : toute diffamation (تجريح) à l'encontre d'un dirigeant arabe, d'un "symbole national et religieux" sera passible de sanctions allant du simple avertissement au retrait de la licence, en passant par la confiscation et l’amende.
Cette sorte de charte est applicable par l'ensemble des pays signataires. L'Egypte se vante même de l'avoir déjà mise en vigueur pour les chaînes désireuses d'utiliser les services de Nilesat, ou pour celles qui sont installées dans la zone franche de Media City, bénéficiant en principe d'une sorte d'extraterritorialité.
Les choses vont très vite : la prochaine réunion, en juin, doit permettre la mise en place d'une Haute Autorité panarabe chargée de statuer sur les infractions. Et pour ne pas s'arrêter en si bon chemin, des "sources informées" prétendent qu'un document similaire est en préparation pour réguler le monde de l'internet arabe...
Nouvelle affaire à propos d'une caricature (voir la série de billets consacrés à cette question). Cette fois, il s'agit d'un dessin de Bahâ' al-Bakhary (بهاء البخري) pour Al-Ayyam, un quotidien de Ramallah, proche du Fatah.
Un article (en arabe ou en anglais) de l'excellent Menassat (source de l'illustration) précise que, selon les propos du procureur général Ismaïl Jaber, membre du gouvernement Hamas "démissionné" en juin 2007, l'offense est comparable à celle des (trop) célèbres caricatures danoises. Le dessin franchit les limites de l'acceptable parce qu'il se moque non pas d'hommes politiques mais de symboles religieux.
En effet, en montrant une forêt de barbus - il s'agit en fait du visage démultiplié d'Ismaël Haniyeh, le leader du Hamas à côté de la légende "اللاشرعية" (illegal selon l'article de Menassat, je traduis plutôt par "la non-légitimité") -, la caricature se moque d'hommes (les députés du Hamas) qui ont leurs convictions et pas tous la barbe ! Mais aussi, et de façon beaucoup plus grave, elle trahit une forme de dédain (تحقير) à l'encontre de la religion.
Depuis le 6 février, Al-Ayyam est interdit à Gaza... Le caricaturiste et des responsables du quotidien ont été condamnés à diverses amendes et à des peines de prison avec sursis..
3) A l'Ouest aussi ?
Muhammad Aboutrika, que nous découvrions la semaine dernière en train de se prosterner après avoir marqué un but, est un homme "engagé" (ملتزم). Dans le vocabulaire actuel, cela ne signifie plus l'adhésion à une attitude politique "nationaliste de gauche" inspirée des thèses d'un Jean-Paul Sartre par exemple, mais bien l'adoption d'une muslim attitude citoyenne et responsable.
Dans cet esprit, l'expression de la piété - le soujoud de la semaine dernière - n'exclut pas la revendication politique. Après avoir marqué un but, le joueur égyptien a ainsi relevé son maillot devant les caméras de télévision du monde entier pour afficher sa sympathie avec la population de Gaza soumise au blocus israélien.
Même si son responsable en Egypte continue à le nier énergiquement (voir cet article du Hayat), les internautes égyptiens - et arabes - ont la conviction que la société Google a cédé aux injonctions israéliennes, ou égyptiennes selon les versions, pour rendre plus difficile l'accès à une image devenue gênante par sa popularité auprès des populations arabes et musulmanes.Culture & Politique arabes