Paso Doble n°229 : Minuit, dans le jardin du bien et du mal (II)

Publié le 20 décembre 2011 par Toreador

A las cinco de la manana…

Le Fer et le Velours

Quelques mois après mon précédent billet qui pointait l’étrange simultanéité conjoncturelle entre la mort de Ben Laden et la béatification de Jean-Paul II, le hasard frappe à nouveau à notre porte. Voilà en effet qu’à un jour d’intervalle disparaissent deux figures symboliquement aux antipodes : Vaclav Havel et Kim-Jong Il.

Le premier était une âme tchécoslovaque et européenne, éprise de liberté. Vaclav Havel était l’intellectuel fait chef d’Etat, l’incarnation d’une Nation et de son renouveau. Il était ce poète et écrivain engagé, pas un de Villepin mais un authentique combattant de la liberté. Vaclav Havel n’aimait pas le pouvoir, qu’il a longtemps combattu : élu de manière intérimaire pour 40 jours, il a régné 13 ans, bien malgré lui et a quitté le pouvoir sans regret.

A l’inverse, le cas du diable : Kim-Jong Il. Pas un poète ou un écrivain, mais un héritier sans grand talent, un apparatchik placé par son père au sommet d’une monstrueuse tyrannie bureaucratique et militarisante. Kim-Jong Il ne laisse pas de rêve derrière lui, pas d’idée ou de poésie : il était l’homme de la perpétuation du système. Le pouvoir, il l’a désiré, servi, puis l’a incarné jusqu’à la nausée.

Paradoxes

Les deux ont des parcours similaires puisqu’ils connu une ascension politique qui les a amené aux responsabilités en 1989-1992 (pour Havel) et en 1991-1994 (pour Kim-Jong Il). Il serait pourtant difficile de trouver, dans ces deux hommes morts prématurément (ils sont de la même génération : 1936 et 1941), autre chose que la thèse et l’antithèse du projet politique occidental.

Là où on ne se lasse pas de se pencher sur les tréfonds de l’âme humaine et sur le sens de l’Histoire, c’est que leur mort est saluée, dans chacun des pays concernés, de la même manière : manifestations collectives d’émotion, deuil national, drame d’un peuple qui perd son « père« . La Corée du Nord, comme frappée du syndrome d’Oslo, pleure son tortionnaire. La Tchéquie se lamente sur son libérateur.

Faut-il en déduire qu’à l’échelle de l’Histoire, chacun vaut l’autre. Match nul ? Pas forcément : Vaclav Havel disparaît en laissant derrière lui une explication brillante du phénomène qui frappe aujourd’hui la Corée. Kum Jong Il était l’incarnation de ce que Vaclav Havel avait analysé en 1978  dans son essai :« Le Pouvoir des sans-pouvoir ». Havel y analysait l’essence de l’oppression totalitaire des communistes. Il décrivait les mécanismes utilisés par le régime communiste dont le but était, selon lui, de créer une société sans pouvoir, résignée, composée d’individus craintifs et moralement corrompus.

La force d’un Vaclav Havel, c’est celle d’une Mère Theresa, d’un Nelson Mandela, d’un Dalaï Lama ou d’un Jean-Paul II : c’est le pouvoir de se sublimer pour incarner un modèle pour des milliers, voire des millions de gens. L’héritage de Vaclav Havel, c’est de montrer que chaque être a le pouvoir de faire de sa vie un chemin vers la justice. Les larmes des Nord-Coréens sècheront bien vite et les mausolées des rois-tyrans ne résisteront pas un jour à l’appel de la liberté.

Vaclav Havel est mort , mais le Havelisme est immortel !*

* Détournement du magazine communiste France Nouvelle de mars 1953 qui affirmait « Le cœur de Staline, (…) l’ami des travailleurs de tous les pays, a cessé de battre. Mais le stalinisme vit, il est immortel. »
Kim-Jong IlVaclav Havel

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