- Mesures de sécurité de l’usine de La Hague
L’usine de retraitement des combustibles nucléaires de La Hague, en Normandie, appartient à Areva et a été mise en service en 1966. 6 000 salariés y travaillent aujourd’hui.
C’est ici qu’Areva traite les combustibles usés venant de centrales françaises ou étrangères (notamment allemandes et japonaises), et selon Catherine Arguant, directrice de la communication, 96% des combustibles usés sont récupérables et recyclables. L’usine a la capacité de traiter chaque année 1 700 tonnes de combustibles.
Les combustibles sont transportés dans des « châteaux » pesant plus de 110 tonnes, renforcés et fermés par un couvercle d’un mètre d’épaisseur pour empêcher toute fuite de radioactivité.
Leur déchargement a lieu dans une pièce spéciale ou aucun salarié ne peut entrer. En effet, les opérations sont effectuées à distance, à travers une vitre épaisse de 1m20 et traitée au plomb.
Les différentes matières des combustibles sont ensuite séparées, puisqu’elles ont des destinées différentes. L’uranium et le plutonium (96% de la structure) sont recyclés en combustibles URE ou MOX. Les produits de fission et les structures métalliques, par contre, sont des déchets ultimes qui ne peuvent donc être recyclés.
Parmi ces déchets, les plus radioactifs et dangereux sont les produits de fission. Ils sont fondus à 800°C et mélangés à des frites de verre pour les emprisonner. C’est, selon Catherine Argant, le conditionnement le plus sûr et stable sur le long terme. Les déchets métalliques, moins dangereux, sont également conditionnés dans du verre et tous ces déchets sont ensuite entreposés dans des containers pour être refroidis pendant une durée d’au moins 5 ans avant de pouvoir être transportés.
- Sûreté du site remise en question
Jeudi 8 décembre dernier, un exercice grandeur nature à eu lieu à La Hague pour tester le plan d’urgence interne et le plan particulier d’intervention lancé par le préfet.
Le scénario : un caisson contenant 4 tonnes de matières combustibles fuit et tombe, les installations électriques sont endommagées et un incendie démarre. Les habitants de Beaumont-Hague doivent être confinés, puis ceux des villages voisins dans un rayon de 5 km.
Résultat des courses ? Selon Clara Osadtchy, conseillère régionale Europe Ecologie – Les Verts de Basse Normandie et membre de la CLI (Commission Locale d’Intervention) : «Le système d’alerte est-il vraiment efficace ? On a assisté à un cafouillage total. Les médias n’ont reçu que 2h30 plus tard le communiqué de la préfecture précisant que c’était une alerte. Si cela s’était passé dans la réalité ce serait très grave».
Les conclusions définitives de cet exercice seront tirées en Février 2012, mais selon la préfecture les systèmes d’alerte de la population ont fonctionné et les services de gendarmerie ont joué leur rôle de contrôle des accès au périmètre. Il ajoute tout de même que cet exercice a permis de mettre en lumière des points d’amélioration dans le système.
Selon Mycle Schneider, consultant et lauréat du Prix Nobel alternatif en 1997 : «La Hague concentre deux risques : à la fois de vulnérabilité, notamment au niveau des nombreux convois (2 par semaine) qui ont lieu entre l’usine de retraitement et l’usine de fabrication de Mox à Marcoule, dans le Gard, et d’inventaire puisqu’elle concentre l’équivalent d’une centaine de réacteurs dans les piscines accueillant les combustibles irradiés, ainsi qu’une soixantaine de tonnes de plutonium et des déchets de haute activité sous forme liquide (avant vitrification), qui peuvent facilement se disperser».
La vulnérabilité des piscines avait déjà été pointée du doigt, notamment après les attentats du 11 septembre 2001 et en cas de menace terroriste aérienne, puisque les piscines ne sont recouvertes que d’un toit en tôle. Même si ce scénario ne semble pas très plausible en raison de la différence de hauteur des bâtiments qui les entourent, d’autres scénarios sont envisageables comme par exemple l’explosion d’un cargo transportant du gaz naturel près de la côte, toujours selon Mycle Schneider.
Enfin, Areva devra répondre en 2012 à un certain nombre de questions précises posées notamment par les élus de la Manche (le département le plus nucléaire de France). Parmi ces questions, celle de la résistance du toit des piscines (notamment en cas de forte accumulation de neige), la possibilité pour un A320 de toucher une piscine et les moyens passifs pouvant être mis en œuvre pour rétablir la sûreté sur les cuves de stockage de produits de fission en cas d’absence d’alimentation électrique sur ces fonctions.
- Un avenir incertain pour la Hague
L’accident de la centrale de Fukushima, entre autres, a vivement relancé le débat sur le nucléaire et ses conséquences. Areva a donc de plus en plus de mal à conclure de nouveaux contrats de traitement. En effet, la plupart des accords conclus avec de nombreux pays arrivent désormais à échéance, et il ne reste plus que ceux signés avec l’Italie, les Pays-Bas et EDF qui soient encore en cours.
Selon Yannick Rousselet, chargé de mission nucléaire de Greenpeace France : «Les électriciens ne veulent plus retraiter car les combustibles issus du retraitement fonctionnent mal et sont plus polluants». De plus, des pays comme la Suisse et l’Allemagne accusent l’usine de La Hague d’être responsable de pollutions dont les radioéléments arriveraient jusqu’en Norvège et au Canada.
- Avis Sequovia
Dans le grand débat du nucléaire, la sûreté est un point très souvent évoqué. En effet, Greenpeace a récemment mené une action pour démontrer le manque de sûreté des centrales en s’introduisant dans plusieurs d’entre elles par effraction. Mais la sûreté d’une usine de retraitement comme celle de La Hague, qui entrepose plusieurs tonnes de produits radioactifs est tout aussi importante, même si l’exercice ayant eu lieu la semaine dernière n’a pas trouvé d’échos dans les médias.
En France, 80% de l’électricité produite vient du nucléaire et le débat concernant cette source d’énergie est toujours autant d’actualité, surtout à l’approche des élections présidentielles. Cet exercice mené à La Hague démontre une fois de plus les dangers que pourraient causer un manque de sûreté mais aussi un manque de rigueur dans la mise en œuvre de plans d’urgence des sites