Les élections législatives des 10 et 17 juin prochains se déroulent dans des circonstances particulières. Elles suivent de près l’élection présidentielle – conséquence de « l’inversion du calendrier » – sans qu’il y ait eu de dissolution comme en 1981 ou en 1988. Elles se déroulent dans le cadre du « quinquennat » – la durée du mandat des députés correspondant désormais à la durée de celui du président. Dans ces conditions, et compte tenu des circonstances de la victoire de Nicolas Sarkozy le 6 mai dernier : forte participation et résultat net (53% des suffrages contre 47% à sa rivale, Ségolène Royal), les élections législatives semblent devoir obéir à une triple logique électorale, politique et stratégique de victoire de la « majorité présidentielle ».
La logique électorale veut qu’un mois après la présidentielle, le résultat des élections législatives soit conforme, presque mécaniquement, à celui de « l’élection-mère » dans la Ve République. Les législatives perdent pratiquement tout intérêt, ce qui représente d’ailleurs un cas unique dans les grandes démocraties. La dynamique électorale joue à plein en faveur de la majorité présidentielle. Ainsi, par exemple, le nouveau pouvoir en place dispose-t-il de moyens supérieurs à l’opposition et d’un meilleur moral pour mener à bien sa campagne – que l’on songe simplement ici aux affiches électorales où tel candidat à la députation pose aux côtés du Président de la République qui vient d’être élu !
Les législatives obéissent également à une logique politique implacable. Il s’agit de donner au nouveau président et à son gouvernement les moyens de mener la politique pour laquelle ils ont été élus. Ce qui est en jeu, c’est la cohérence des choix faits par la majorité du corps électoral. Le nouveau pouvoir en place s’appuie d’ailleurs largement sur cet argument en réclamant expressément un vote massif d’adhésion les 10 et 17 juin afin de donner toute latitude au gouvernement pour agir et mettre en œuvre le programme du Président de la République. On voit mal dès lors comment une majorité de Français qui a élu largement Nicolas Sarkozy pourrait vouloir l’entraver en envoyant à l’Assemblée nationale une majorité de gauche dominée par le PS.
D’ailleurs, et c’est la logique stratégique de ces élections, on peut également se demander si une victoire de la gauche, et avant tout du PS, outre sa forte improbabilité, serait une bonne chose. Pour le pays d’abord, puisqu’une nouvelle cohabitation ne permettrait de mener à bien ni les réformes envisagées par Nicolas Sarkozy ni le programme du PS. Elle renverrait à plus tard certains choix cruciaux sur des dossiers à propos desquels des changements sont pourtant attendus par la population : sur l’emploi ou l’enseignement supérieur et la recherche par exemple. Pour le PS lui-même, une victoire aux législatives créerait ainsi plus d’embarras que de réelles possibilités d’action. Face à un président tout juste élu et disposant d’une forte légitimité, la cohabitation serait très difficile. Or le programme du PS n’est pas, en l’état, un programme de gouvernement, certaines orientations n’ayant pas été tranchées au sein du parti. Et, surtout, une victoire dans ces conditions retarderait encore l’indispensable aggiornamento à la fois doctrinal, organisationnel et stratégique dont le PS a besoin.
La victoire de la majorité présidentielle est donc à la fois électoralement, politiquement et stratégiquement probable. Et, quoi que l’on pense sur le fond des orientations choisies, souhaitable pour le pays compte tenu du résultat de l’élection présidentielle. La seule question qui se pose vraiment est celle de son ampleur. De ce point de vue, l’argument du PS selon lequel une opposition suffisamment bien représentée au Parlement est nécessaire à la bonne marche de la démocratie conserve toute sa pertinence. C’est finalement le seul enjeu de ces élections législatives qui en paraissent tant dépourvues : assurer pour les cinq années qui viennent une démocratie équilibrée et au fonctionnement satisfaisant aux yeux des Français. Une démocratie qui laisse le Président de la République et sa majorité gouverner pleinement dans le sens du mandat qui leur a été confié par les Français. Et face à eux, une opposition forte et claire dans ses propositions, capable d’offrir à la société une alternative politique crédible.
Article à paraître dans France-Amérique en juin 2007.